la bulle Considerantes dudum

Clément V - 6 mai 1312

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Sort des frères de l'ancien ordre des Templiers

 

Clément, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, en mémoire perpétuelle de la chose

Considérant depuis longtemps les diverses informations et procédures faites par le mandement du Siège apostolique dans toutes les parties de la chrétienté contre le ci-devant ordre de la milice du Temple et contre ses membres en particulier soit sur les hérésies touchant lesquelles ils étaient grièvement diffamés, et spécialement sur ce que les frères, quand ils étaient reçus dans l’ordre et quelquefois après leur réception, passaient pour renier le Christ, et, en son mépris, cracher sur une croix et quelquefois la fouler aux pieds; considérant que le maître général du même ordre, le visiteur de France, les principaux commandeurs et beaucoup de frères avouèrent en jugement l’article des dites hérésies, et que ces aveux rendaient l’ordre grandement suspect ; considérant de plus l’infamie publique, la véhémente suspicion et les instances pressantes des prélats, ducs, comtes, barons et communes de France, le scandale soulevé par tout cela contre cet ordre, scandale qui semblait ne pouvoir être supprimé tant que ledit ordre subsisterait ; considérant beaucoup d’autres raisons et causes justes qui ont déterminé notre esprit et dont il est parlé dans les procédures, c’est avec une grande amertume et affliction de cœur que, non par manière de sentence définitive que nous pourrions donner de droit, suivant les informations et procédures, mais par voie de provision et d’ordonnance apostolique, nous avons aboli, supprimé, cassé le ci-devant ordre du Temple, son habit et son nom, le soumettant à une prohibition perpétuelle, avec l’approbation du sacré concile, et réservant les personnes et les biens dudit ordre à la disposition du Siège apostolique. Par là, cependant, nous ne voulons point déroger aux procédures faites ou à faire contre chaque personne ou contre les frères de ce ci-devant or- dre par les évêques diocésains et les conciles provinciaux, ainsi que nous l’avons statué ailleurs.

Voulant donc maintenant pourvoir plus complètement, comme il convient à chacune de ces mêmes personnes et frères, nous avons pensé devoir abandonner au jugement et à la disposition des conciles provinciaux, comme nous l’avons fait jusqu’ici, tous ces dits frères, excepté le maître du ci-devant ordre, le visiteur de France et de Terre-Sainte, les grands commandeurs de la Normandie, de l’Aquitaine, du Poitou et de la Provence, que nous avons déjà réservés spécialement à notre disposition, ainsi que le frère Olivier de Penne, que nous réservons dès maintenant à la disposition du Siège apostolique. Nous voulons que ces mêmes conciles procèdent envers eux selon la diversité de leurs conditions, c’est-à-dire qu’il soit accordé à ceux qui ont déjà été absous desdites erreurs par une sentence, ou qui le seront dans la suite selon les exigences de la justice, sur les biens du ci-devant ordre, de quoi vivre selon la décence de leur état. Quant à ceux qui ont confessé lesdites erreurs, nous voulons que, ayant égard à leur condition et à la manière dont ils auront fait leur confession, les conciles tempèrent, selon que leur prudence le jugera bon, la justice par la miséricorde. Pour les impénitents et les relaps, si, ce qu’à Dieu ne plaise, il devait s’en trouver, on observera à leur égard la justice et la censure canonique.  A l’égard de ceux qui, même soupçonnés des délits précédents, nieront qu’ils soient entachés d’erreurs, nous voulons que les conciles fassent pour eux ce qui sera juste et ce que commandera l’équité des canons. En ce qui est de ceux sur lesquels on n’a pas encore fait d’enquête au sujet des erreurs mentionnées et qui ne sont pas sous la main et au pouvoir de l’Église, mais peut-être en fuite, nous les citons par la teneur des présentes, avec l’approbation du concile, à comparaître personnellement devant leurs ordinaires dans un an à partir de ce jour, terme précis et péremptoire que nous leur assignons, pour y subir un examen selon les règles de la justice, et afin que les conciles les jugent selon ce qu’ils mériteront, mais en usant avec eux de miséricorde, comme envers ceux qui sont mentionnés plus haut (à l’exception des relaps et des impénitents), et en pourvoyant toujours à ce que le nécessaire leur soit fourni sur les biens du ci-devant ordre tant aux uns qu’aux autres, et à tous les frères de l’ordre qui reviendront à l’obédience de l’Église, et tant qu’ils y persévéreront, selon les conditions de leur état et leur convenance. Ils seront placés dans les maisons de l’ancien ordre ou dans des monastères d’autres religieux, de telle sorte cependant qu’il n’y en ait qu’un petit nombre dans chaque maison ou monastère.

Nous mandons aussi et ordonnons sévèrement à tous ceux qui détiendraient ou qui feraient détenir des frères du ci-devant ordre, de les rendre et renvoyer librement, toutes les fois qu’ils en seront requis par les métropolitains ou les ordinaires des frères; que si après avoir été cités comme il a été dit, ils ne comparaissent pas dans le délai d’un an devant leurs ordinaires, ils encourront ipso facto la sentence d’excommunication. Et parce que, surtout en matière de foi, la contumace ajoute au soupçon une présomption véhémente, les contumaces qui pendant une année seront restés opiniâtrement sous le poids de l’excommunication, seront dès lors condamnés comme hérétiques.

Cet édit de notre citation que nous avons fait de science certaine, et par lequel nous voulons que les frères soient cités comme s’ils avaient été saisis personnellement par des citateurs spéciaux, car il serait impossible ou du moins difficile de découvrir des vagabonds, nous l’avons publié en présence du Sacré-Collège, afin d’enlever toute occasion de calomnier ce mode de citation. Et afin que cette même citation arrive plus sûrement à la connaissance des frères et de tous en général, nous ferons afficher aux portes de la principale église de Vienne des cartes ou parchemins indiquant le mode de notre citation et munis du sceau de notre bulle: notre citation sera ainsi proclamée comme par une voix éclatante et par un jugement public, en sorte que les frères que cette citation concerne ne pourront point s’excuser en disant que la citation ne leur est pas parvenue ou qu’ils l’ont ignorée; car il ne sera pas vraisemblable qu’ils ignorent ce qui sera connu de tous. Au surplus afin qu’on agisse ici avec une parfaite prudence, nous commandons aux ordinaires des lieux de faire publier, dès qu’ils le pourront commodément, dans leurs cathédrales et dans les églises des lieux insignes de leurs diocèses, cet édit de notre citation.

Donné à Vienne, la veille des nones de mai, de notre pontificat la septième année.

 

source: https://www.arbredor.com/collections/histoire/322-la-doctrine-secrete-des-templiers

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