Regards sur les statuts secrets de l’ordre des Templiers

 

Chypre 

 

Le chapitre général de Nicosie en 1291

 

En octobre 1291, un Chapitre général se tient à Nicosie sur l’île de Chypre en présence de quatre cents chevaliers de l’ordre du Temple. On imagine que l’ambiance au cours de ce chapitre fut des plus moroses puisque cinq mois plus tôt le 28 mai 1291, les Templiers venaient de perdre leur maison cheftaine à Saint-Jean-d’Acre, chassés de Terre Sainte par les Sarrasins. Les Templiers furent contraints d’abandonner sans combattre toutes les forteresses qui faisaient la fierté de l’ordre comme Sidon, le 14 juillet, Tortose, le 3 août, et Château Pèlerin le 14 août 1291.

 

maison cheftaine

 

Comme si tout cela ne suffisait pas, l’ordre se voit aussi confronté à la volonté du pape Nicolas IV (1288-1292) qui par la bulle « Dura Nimis » fulminée le 18 août 1291 réclame que les archevêques avec leur suffrageants, réunis en synode provincial, se prononcent sur l’union des ordres templiers et hospitaliers1. Le pape requiert une réponse avant le mois de février 1292. Le résultat de ces synodes provinciaux ne faisait guère de de doute. À Milan,  à Salzbourg ou à Arles, on se prononça pour l’union des ordres de chevalerie de Terre Sainte. 

 

Selon le frère templier Jean Serrand, interrogé par les membres de la commission pontificale siégeant à Paris le 31 mai 1311, c’est Jacques de Molay qui n’était pas encore grand-maître qui prit la parole pendant ce Chapitre général. Selon le témoin, « Jacques de Molay voulait extirper de l’ordre toutes les choses qui lui déplaisaient, se doutant que sinon cela causerait finalement du tort à l’ordre ».2

 

le chapitre general

 

Pendant ce chapitre général, plusieurs décisions semblent avoir été prises. Le grand-maître Thibaud Gaudin fut confirmé dans ses fonctions. Selon Laurent Dailliez, Jacques de Molay aurait été nommé maréchal de l’ordre.3 Mais la plus importante décision concernant notre sujet, c’est qu’il fut décidé de faire le ménage à propos de tous les écrits détenus par les frères Templiers et particulièrement ceux concernant les règles et statuts de l’ordre. 

 

La déposition du frère templier Gérard de Caux du 12 janvier 1311 affirme que le grand-maître aurait prié les frères qui détenaient des exemplaires de la Règle et règlements de l’ordre de les lui remettre.  « J’ai ouï dire et je crois qu’il en faisait brûler certains, en répartissait d’autres entre les anciens de l’ordre et en gardait pour lui. » Il rendit cependant à Gérard de Caux son exemplaire du « De laude novae militiae » de Saint Bernard.4

 

Toujours selon la déposition du frère Gérard de Caux, « les anciens disaient que le maître Guillaume de Beaujeu et Thomas Bérard avaient agi de la même manière et ils se rapportaient de l’un à l’autre que l’ordre n’avait pas fait son profit d’avoir eu en son sein des gens cultivés. »5

 

La question d’une Règle secrète a bien été soulevée pendant le procès des Templiers. Dans l’ouvrage de Peter Partner dont nous reparlerons plus loin, il est écrit à propos des cérémonies secrètes :

 « Quant au règlement, on peut dire que l’accusation n’a pas réussi à prouver quoi que ce soit car, bien que les cérémonies de réception aient été fréquemment reconnues comme étant l'une des stipulations de l’Ordre, aucun procureur ne réussit à localiser ou à produire un règlement qui prescrivit une semblable initiation. 

 Les Templiers du XIIIe siècle forgèrent un « règlement secret du Temple », mais ce document ne fut jamais produit en France au cours du procès, bien que de nombreux agents du roi l’ait recherché. L’un des conseillers de l’accusations prétendit qu’un des dignitaires du Temple lui avait confié qu’il existait un règlement secret mais qu’il ne pouvait le produire.»6

 

 

La déposition la plus intéressante concernant le sujet des « mauvais statuts » pendant le procès des Templiers nous a été donné par le dignitaire templier Goeffroy de Gonneville, précepteur d’Aquitaine et de Poitou, le 15 novembre 1307. Répondant à la question de l’inquisiteur lui demandant d’où provenait ce rite pervers de renier le christ et de cracher sur la Croix, le frère Geoffroy répondit:

 « Les uns disent, dans notre ordre, qu’il avait été institué par ce maître qui été prisonnier dans les geôles du Soudan, ainsi que je l’ai rapporté. Il y en a qui prétendent que ce fut l’une des mauvaises et perverses introductions du maître Roncelin dans les statuts de l’ordre; d’autres, que cela provient des mauvais statuts et doctrines de maître Thomas Béraut; d’autres encore qu’on le fait à l’instar ou en mémoire de saint Pierre qui, par trois fois, renia le Christ. »7

 

 

C’est sur ces dernières déclaration faites au tout début du XIVe siècle devant les inquisiteurs de la Très Sainte Église Catholique romaine et apostolique que la question des Règles et Statuts des Templiers vont pendant des siècles sombrer dans l’oubli.

 

Frédéric Münter, évêque et franc-maçon 

 

Jusqu’au jour où un bien singulier personnage se présente au milieu des rayonnages des archives les plus sensibles du Vatican, à la recherche de documents concernant l’ordre des Templiers produits par la Sainte Inquisition. Archives si sensibles que l’on se plaît à les appeler « les archives secrètes du Vatican ». Cela se serait passé dans les années 1780-1790 et celui qui eut l’autorisation d’y pénétrer s’appelle Frédéric Münter (1761-1830).8

 

Frederic Munter

 

Frédéric Münter est un Danois de langue allemande et de confession luthérienne. Professeur de théologie à l’université de Copenhague, historien de l’Église, archéologue et orientaliste, ce grand érudit que l’on dit initié à la franc-maçonnerie,9 était soupçonné de faire partie de la très progressiste société secrète des Illuminati de Bavière10 qui fut interdite en 1785 par un édit du gouvernement bavarois.11 Frédéric Münter, qui a beaucoup voyagé en Europe, semble très impliqué dans le milieu de la franc-maçonnerie templariste. À cette époque, cette tradition templariste commençait à avoir une réputation sulfureuse puisqu’elle était accusés de vouloir s’attaquer à la monarchie et à l’Église catholique12 au point que les nouveaux Templiers allemands de la Stricte Observance dirigés par le duc Ferdinand de Brunswick renoncèrent lors de leur convent de Wihelmsbad tenu en 1782 à l’héritage templier.

 

Avec un tel pedigree, on ne s’étonne pas qu’à la fin du XVIIIe siècle Frédéric Münter se soit intéressé de très près à l’ordre des Templiers. C’est à ce monsieur que l’on doit la découverte vers 1785 de la première Règle complète des Templiers, exhumée à l’Académie des Lincei, dans un manuscrit qui provenait de la bibliothèque florentine des Princes Corsini. Cette découverte fit grand bruit dans les milieux maçonniques puisque pour la première fois on commençait à s’immiscer dans l’intimité de l’ordre des Templiers. Rappelons que même au sein de l’ordre historique la Règle des Templiers ne pouvait être détenue que par des dignitaires de l’ordre. 

 

Frédéric Münter, qui eut l’autorisation de recopier cette Règle, en proposa un premier aperçu dans son ouvrage en langue allemande publié à Berlin en 1794, ouvrage intitulé « Statutenbuch des Ordens der Tempelherren: aux einer altfranzösischen Handschrift heraugegeben und erlautert ». Il était question d’un deuxième tome qui aurait contenu une transcription complète de la Règle des Templiers. Deuxième tome qui n’arrivera jamais car si l’on en croit le Dictionnaire historique édité en 183613 Frédéric Münter préféra communiquer sa copie de la Règle des Templiers  au nouvel ordre des néo-templiers français dirigés par Bernard-Raymond Fabré-Palaprat (1773-1838).14 

 

 Fabre Palaprat

 

Ces néo-templiers français auront moins de scrupules que leurs homologues allemands puisqu’ils revendiqueront une filiation directe entre eux et les Templiers du Moyen-Âge à travers un document écrit en latin daté de 1324: la charte de Jean-Marc Larménius.

 

L’abbé Grégoire (1750-1831),15 un ami de Frédéric Münter, se fera l’écho de cette charte dans son Histoire des sectes religieuses, volume II, Paris 1828.  

 abbe gregoire

 

La charte de Larménius sera aussi reprise par Ch. Maillard de Chambure16 qui publie en 1840 la Règle et statuts secrets des Templiers grâce à la Règle des Templiers découverte par Frédéric Münter à Rome mais aussi et surtout à deux nouveaux manuscrits découverts l’un dans les Archives Générales de Bourgogne à Dijon, l’autre dans la Bibliothèque Royale à Paris. 

 

 francois reynouard

 

Si la Règle des Templiers publiée par Maillard de Chambure est authentique, le fait que lui et l’abbé Grégoire valorisent dans leurs ouvrages respectifs la charte de transmission des néo-templiers parisiens qui a la réputation d’être un faux, va indéniablement nuire à la réception des travaux de Théodore Merzdorf, conservateur de la bibliothèque ducale d’Oldenburg, qui publia à Halle en 1877 les Statuts Secrets de l’ordre des Templiers retrouvés dans la bibliothèque de la Grande Loge maçonnique de Hambourg et qui selon lui auraient été découverts par Frédéric Münter. 

 

Ce même Frédéric Münter, devenu évêque de Zélande en 1808, et qui semble accorder quelque crédit au Levitikon,17 texte écrit en grec, une version modifiée de l’Evangile de Saint Jean, dénichée par Bernard-Raymond Fabré-Palaprat, grand maître des néo-templiers de France. La charte de Larménius, le Levitikon et les Statuts Secrets de l’ordre des Templiers seront jetés dans le même sac de cette forgerie de la franc-maçonnerie templariste qui cherche à prouver au XVIIIe et au XIXe siècles le lien entre franc-maçons et Templiers. 

 

Malgré cela il faut retenir le fait que la Règle des Templiers découverte par Frédéric Münter à Rome est authentique. Quand, dans une lettre18 à son ami Ferdinand Wilcke (1800-1861), qui préparait un ouvrage sur l’histoire des Templiers, il aborde la question des documents découverts dans les archives du Vatican, faisant allusion à un lot d’autres documents tout aussi intéressants mais que ceux-ci avaient disparus, la question qu’on se pose est: est-ce que Frédéric Münter a fait une copie de ces « autres » documents? Selon Ferdinand Wilckes, Frédéric Münter lui aurait cédé ces documents. Ce n’est pas impossible puisqu’il a déjà cédé à Fabré-Palabrat sa copie de la Règle des Templiers. Si on s’en tient à cette version, ce qui aurait disparu ce sont les originaux de ces statuts secrets conservés dans les Archives du Vatican. 

 

Toujours, si l’on s’en réfère à Théodore Merzdorf, lors de ses recherches dans les archives secrètes du Vatican, Münter serait tombé sur un lot de quatre documents réunis par les inquisiteurs et qui concernerait les fameux statuts secrets de l’ordre des Templiers, jamais produits pendant leur procès. Selon Merzdorf, les documents seraient répertoriés comme suit: Archives du Vatican, Acta Inquisitionis contra ordinum militiae Templi: codex XV, codex XXIV, codex XXXI, codex XXXII.

 

 

Napoléon Bonaparte et les archives secrètes du Vatican

 

Frédéric Münter a eu la chance et le privilège de pouvoir réaliser des recherches dans les archives secrètes du Vatican avant les événements tragiques qui vont frapper une partie de cette documentation. 

 

En effet, il semblerait que l’entrée des troupes napoléoniennes à Rome le 15 février 1798 causa les premiers soucis concernant ces archives défendues par le préfet des archives Gaetano Marini. Mais avec la bulle d’excommunication fulminée le 11 juin 1808 par le pape Pie VII (1800-1823) contre l’empereur Napoléon, les archives secrètes furent de nouveau mises en danger. Il n’est pas impossible que ce soit à cette période que fut escamotée une partie de cette documentation. 

 

archives vatican

 

C’est dans la nuit du 1er janvier 1810 que le général français Radet ordonna la saisie des archives du Vatican.19 Cette tâche fut confiée au lieutenant de gendarmerie Pesci, au commissaire de police Rotoli et à l’imprimeur Paolo Salviucci. L’inventaire en fut dressé, parmi lequel furent répertoriées les archives secrètes relatives au sacré concile et les archives secrètes de la pénitencerie. Au total, toutes les saisies remplirent 1352 caisses. Et pour les archives secrètes 217 caisses, qui furent expédiées à Paris les 17 et 22 février 1810.

 

Napoléon Bonaparte (1769-1821), qui avait exprimé un certain intérêt pour l’histoire des Templiers, se demandait comme beaucoup de ses contemporains si la papauté ne possédait pas dans ses archives secrètes des informations jalousement conservées sur leur procès. 

 

Napoléon

 

Une fois les archives arrivées à Paris, Bonaparte confia à François Raynouard le soin d’analyser les archives concernant les Templiers. Raynouard découvrit une importante documentation concernant le procès des Templiers mais rien de nouveau en-dehors des classiques accusations et les dépositions des frères Templiers. François Raynouard ne rapporte aucune trace de statuts secrets. Ses recherches sont exposées dans un ouvrage: Monuments historiques relatifs à la condamnation des chevaliers du Temple et à l’abolition de leur ordre, Paris, 1813 où Raynouard soutient la thèse de l’innocence des Templiers. 

 

Vers la même époque, la soeur de Frédéric Münter, qui est à Rome, lui écrit le 18 mai 1810:

 « La bibliothèque du Vatican a aussi à nouveau été pillée. On a apportée à Paris tout ce qui pouvait servir de preuve contre les papes parmi les archives pontificales. On dit que quatre-vingt charrettes pleines ont été emportées!! Tant de choses ont été volées à cette occasion et vendues sous le manteau, que maintenant les étrangers doivent faire inscrire chaque livre qu’ils emmènent par des gens préposés à cela. »20 

 

Cet épisode est d’autant plus regrettable que l’on se rend compte que les documents concernant l’ordre des Templiers étaient particulièrement ciblés dans cette affaire. A-t-on voulu détruire des documents compromettants en pensant qu’ils auraient pu servir à Bonaparte contre la papauté ? Ou ont-ils tout simplement été revendus sous le manteau à une loge maçonnique qui aurait sans doute payé un bon prix pour les posséder dans sa bibliothèque ? Tout ce que nous savons est que, dans la lettre adressée à son ami Ferdinand Wilcke, Frédéric Münter, au regard des documents qu’il avait découverts, se permettait de préciser « qu’il convenait d’être très prudent pour accuser les Templiers d’hérésie, et que pour sa part il les croyait bons catholiques, mais pauliniens et gnostiques. »21  

 

Il est important de rappeler que les Statuts secrets de l’ordre des Templiers publiés en 1877 par Théodore Merzdorf, sont encore aujourd’hui considérés comme des « faux grossiers ». 

 

L’Abraxas des maîtres maçons

 

Pourtant, il nous apparaît qu’une étude attentive de ces documents nous révèlent des pratiques secrètes confirmées depuis lors par l’archéologie moderne. Archéologie qu’on imagine inaccessible à des historiens du XVIIIe voire du XIXe siècle, même si avec Frédéric Münter nous avons affaire à un évêque historien, archéologue, doublé d’un initié de haut rang en franc-maçonnerie, ce qui nous oblige à la plus grande prudence vis-à-vis de l’authenticité de ces documents. 

 

Ce qui a retenu notre attention, c’est l’article 18 des Frères consolés:

« Le néophyte est conduit aux archives où on lui enseigne les : mystères de la science divine de Dieu, de Jésus enfant, du véritable Baphomet, de la Nouvelle Babylone, de la nature des choses, de la vie éternelle ainsi que la science secrète, la grande philosophie, Abrax et les talismans. Choses qui toutes, doivent être rigoureusement cachées aux ecclésiastiques admis dans l’Ordre. » 

 

Cet article précise que sera enseigné au néophyte « Abrax et les talismans ». Cette précision doit être rapprochée de ce passage de l’article 8 des Frères consolés où il est dit: 

 « Il y a des Élus et des Consolés dans toutes les régions du monde. Là où vous verrez construire de grands bâtiments, faites les signes de reconnaissance et vous trouverez beaucoup de justes instruits de Dieu et du grand Art. Ils en ont hérité de leurs pères et maîtres et sont tous Frères. »

 

Quant aux signes de reconnaissance, ils se situent dans le quatrième document intitulé « Ici commence la liste des signes secrets que Maître Roncelinus a réunis ». Elle comprend 18 articles. L’article 2, qui n’a pas été traduit par René Gilles dit: 

 « Mais s’il y a un maître maçon, vous ne serez pas vu comme une personne ordinaire. Demande-lui d’où jaillit la lumière de ton tissu? Et s’il répond « Ex abrac », il est le fils de nos pères et notre Frère. » 

 

Derrière ce signe de reconnaissance, il semble qu’il se cache un secret des maîtres maçons qui date du haut Moyen-Âge. On imagine qu’à l’époque romane les maîtres maçons se transmettaient les secrets de métiers entre eux. Il semble qu’ils se transmettaient aussi de génération en génération un objet bien particulier que le maître cachait sous ses vêtements. Il s’agissait d’un talisman en forme de croix sur lequel était gravé un abraxas. Si tu connaissais l’existence de ce talisman que le maître cachait sous ses vêtements, c’est que tu étais un frère de métier. Ces talismans sont des objets très rares puisqu’ils éteint transmis de génération en génération dans le plus grand secret. 

 

Le 29 novembre 1910, lors de fouilles effectuées dans la cathédrale de Lausanne en suisse, a été mis à jour une tombe.22

 

cathedrale lausanne

 

Dans la sépulture, on a retrouvé un squelette qui avait une croix sur sa poitrine. Cette croix était un talisman avec « Abrac » comme décrit dans les Statuts secrets de l’ordre des Templiers. Pendant un temps, on a cru que c’était la sépulture d’un évêque mais cette hypothèse a été abandonnée. À la suite de la lecture des articles des Statuts secrets des Templiers, on pourrait suggérer que cette sépulture est plutôt celle d’un maître maçon. 

 

croix argent 

Le talisman en argent a été daté du VIIe ou VIIIe siècle. Quant à la sépulture, elle n’est pas postérieure au XIe siècle. L’objet est donc plus ancien que celui qui le portait et la date de la sépulture correspond plus ou moins à la transformation de la cathédrale qui, du roman, va être totalement modifiée sur le nouveau modèle gothique. Si nous avons retrouvé ce talisman sur le maître maçon, c’est qu’il n’a pas pu ou pas voulu transmettre sa tradition. Si ce fut une chance pour nous de retrouver un tel objet, pour lui ce fut sans doute un drame: celui d’un art ancien qui s’efface devant un plus moderne. 

 

Les statuts secrets face à l’archéologie et à l’histoire de Provence

 

 

Tous les articles des Statuts secrets se trouvent confirmés par l’archéologie moderne. Comme ce 16 octobre 2019 où on a découvert les couloirs souterrains réalisés par les Templiers à Saint-Jean-d’Acre.

 

tunnel saint jean d acre 

Ces couloirs souterrains permettaient aux Templiers de rejoindre leur maison cheftaine depuis le port de Saint-Jean-d’Acre sans être inquiétés. Cette découverte résonne avec les affirmations de l’article 7 des Frères Consolés qui précise: 

 « Ayez dans vos maisons des lieux de réunions vastes et cachés auxquels on accédera par des couloirs souterrains, pour que les Frères puissent se rendre aux réunions sans risques d’être inquiétés. »

 

Il en va de même pour l’article 30 des Frères Élus qui préconise que les frères fassent graver un Pentalpha sur leur pierre tombale, pierres tombales que l’on retrouve près d’anciennes commanderies templières.

 

croix templiere pentalpha 

Ce qui marque dans ces Statuts secrets censés avoir été rédigés par des Templiers provençaux en 1240, c’est le ton virulent contre l’Église romaine, qualifiée de « synagogue de l’Antéchrist ». C’est l’époque où à Arles la confrérie des Bailes cherche à prendre le pouvoir sur les autorités ecclésiastiques représentées par l’archevêque d’Arles, Jean de Baussan (1233-1258 ). Cette confrérie s’affiche ouvertement comme anticléricale et est soupçonnée d’être influencée par une doctrine hérétique.23 En 1235, la confrérie chasse l’archevêque qui se réfugie à Salon. En représailles, Jean de Baussan réunit un synode qui excommunie les membres de la confrérie arlésienne.

 

En 1236, l’archevêque Jean de Baussan réussit à revenir à Arles où il réunit un concile pour lutter contre l’hérésie. Même si le concile d’Arles semble viser plus particulièrement les confréries et les Vaudois, appelés aussi les Pauvres de Lyon, ce concile de 1236 rappelle les dispositions prises pendant le concile de Toulouse en 1229, qui visait les Bons Hommes de Toulouse, ainsi que les dispositions du concile oecuménique du Latran à Rome en 1215, qui s’attaquait aux conceptions trinitaires de Joachim de Flore, aux Amauriciens et plus globalement à tous les hérétiques « quelque soit leur nom ». Tous ses noms d'hérétiques que l’on retrouve cités en exemple dans l’article 8 des Frères Consolés des Statuts secrets de l’ordre des Templiers. 

 

Le 24 mars 1239, le pape Grégoire IX (1227-1241) excommunie l’empereur germanique Frédéric II (1198-1250). La lutte entre l’Empire et le sacerdoce réveille le conflit en Provence. Au début de l’année 1240, Frédéric II enjoint Raymond VII, comte de Toulouse, d’entrer en guerre contre le comte de Provence Raimond Bérenger et les prélats provençaux. Raymond VII, fils d’un père excommunié par l’Église romaine, s’affranchit de la tutelle pesante des rois de France et s’engage dans le conflit. Raymond VII franchit le Rhône à Avignon, puis la Durance, au gué de Bonpas et envahit le pays de Tarascon. Les Toulousains pénètrent en Camargue et occupent le château de Trinquetaille, livré par Barral de Baux, allié fidèle des conjurés et lui aussi excommunié par l’Église romaine. Raymond VII entreprend le siège d’Arles pendant l’été 1240. Mais le siège s’éternise car les Arlésiens résistent grâce aux encouragements de l’archevêque d’Arles et à la soldatesque du comte de Provence. L’annonce de la venue en Provence d’une armée de secours envoyée par le roi de France, Louis IX, oblige Raymond VII à lever le siège d’Arles en septembre 1240. 

 

Les puissants seigneurs des Baux de Provence, alliés de Raymond VII, ont d’étroites relations avec les Templiers de Provence et notamment avec un certain Templier Roncelin de Fos, l’auteur présumé des Statuts secrets.

 

sceau de Roncelin de Fos

 http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/ftp/sceaux/resultats.php?id_sceau=25

 

Selon les Chroniques de Provence de Jehan de Nostredame, en 1236 (1237) le Templier Roncelin de Fos, qui a des liens de parenté avec les seigneurs des Baux de Provence, est chef des insurgés à Marseille aux côtés de Raymond de Baux, seigneur de Meyrargues, qui meurt cette même année et est enterré dans la commanderie templière de Bayle en Provence. 

 

croixettoile

 

Après l’échec de la révolte des Provençaux en 1240, le dignitaire templier Roncelin de Fos est parti se faire oublier en Terre Sainte puisqu’on le retrouve dans un acte daté de 1242 où il apparaît comme maître de la forteresse templière de Tortose dans le comté de Tripoli. 

 

forteresse templiere tortose

 

Il reviendra en Provence en 1248 pour soutenir une nouvelle révolte conduite par Barral de Baux et, après un deuxième échec en 1250, il est envoyé en Angleterre où il est maître de cette province de 1251 à 1258. 

 

L’appui dont bénéficie l’auteur présumé des Statuts secrets nous donne à penser que derrière Roncelin de Fos se cache en réalité la confrérie gibeline des Rois Mages dirigée en Provence par les puissants seigneurs des Baux. 

 

Notre conviction est qu’après la deuxième excommunication de l’empereur germanique Frédéric II en 1239 jusqu’à sa mort en 1250, une partie de la noblesse provençale va tout faire pour défendre le parti gibelin en Provence et notamment rédiger ces Statuts secrets pour orienter la politique de l’ordre des Templiers dans leur sens. 

 

Ces statuts nous révèlent deux choses. La première: le souci de recruter tous les opposants possibles à la politique de l’Église romaine, qui s’appuie sur le comte de Provence Raimond Bérenger. La deuxième est une opposition totale à la puissante monarchie française. 

 

Pour cela, Roncelin de Fos n’hésite pas à ressortir les vieux contentieux comme celui où Robert le Pieux, deuxième roi de France de la dynastie capétienne a fait brûler à Orléans en 1022 plusieurs chanoines de l’église collégiale de Sainte-Croix pour hérésie. C’est la justice royale qui est mise en cause dans cette affaire. Les chefs des hérétiques étaient Lisoë et Étienne. Ils furent confondus par un chevalier du duc Richard de Normandie nommé Aréfast. Aréfast déposa contre eux et dénonça les pratiques empreintes de gnose et manichéisme. Le moine Raoul Glaber, dans son troisième livre Des Historiae, fait de cet épisode un exemple de la corruption du monde qui annonce la fin des Temps. Quant au moine Paul, dans une charte de l’abbaye de Saint-Pierre de Chartres, datée XIe siècle, il écrit à propos d’Aréfast:  

 « Il était de la famille des comtes des Normands. Il brillait par son éloquence, était doué de conseil, orné de bonnes moeurs, et avait acquis une très grande notoriété dans son office d’intermédiaire aussi bien auprès du roi que des grands parmi les Francs. » 24

 

Pour les Provençaux, ce héros de l’époque franque était l’ennemi absolu. L’article 10 des Frères Élus précise: 

 « Seront exclus rigoureusement les descendants d’Artefact, homme-lige du duc de Normandie Richard II qui, par sa trahison, a causé le martyre d’Etienne et de Lisoë à Orléans. Clercs ou laïcs qu’ils soient exclus de la fraternité des Élus jusqu’à la septième génération. »

 

Dans l’article 24 des Frères Élus, on revient sur cet épisode. Il est dit: 

 « Si vous passez à Orléans, allez pieusement vers les murs de la ville où les glorieux martyrs de la science divine Stéphanus et Lisoï avec dix autres fils de nos pères ont été brûlés sur l’ordre du roi Robert le Pieux et des Evêques. De cela, nous vous supplions en Dieu ».

 

Deux autres hérétiques sont honorés dans les Statuts secrets. Il s’agit d’Amaury de Bène (1150-1209) et David de Dinant (1165-1217) dont il est conseillé de lire les oeuvres. Ce groupe appelé les Amaurciens sera sévèrement réprimé par l’Église. Ce qui nous amène à nous intéresser à l’article 28 des Frères Élus où il est question de la bibliothèque de l’ordre. 

 

La bibliothèque des statuts secrets

 

Dans cette bibliothèque doivent toujours être présents les Écritures Saintes et les Pères de l’Église. Plusieurs oeuvres sont citées, comme le Livre de canon des concordances et non-concordances de Gratien. Ce genre d’ouvrage était étudié à l’université de droit de Bologne et n’était certainement pas le livre de chevet d’un Templier lambda. Même si on peut imaginer que les Frères Élus étaient des dignitaires, on s’adresse là plutôt à des chapelains de l’ordre. De même avec le Livre des Sentences de maître Pierre Lombard. 

 

L’impression qui ressort de la bibliothèque des statuts secrets de l‘ordre des Templiers est de plusieurs ordres.

 

D’abord, il y a ce vieux fonds carolingien avec Jean Scot Erigène et son Librum De divisione Naturae (Periphyséon) écrit dans les années 864-868. Avec aussi le De Pressuris ecclesiasticis libellus d’Atton de Verceil composé vers 940 dans lequel est dénoncé la simonie et qui souligne combien le poids des puissances laïques dans les élections épiscopales conduit à des choix indignes. Ce fond carolingien nous entraîne dans les vieilles querelles de ce monde des moines et des chanoines confronté aux mutations du haut Moyen Âge.

 

À côté de cela, il y a ce sentiment d’urgence. Celui de recruter à tout va pour lutter contre la synagogue de Satan, c’est-à-dire l’Église de Rome qui soutient la monarchie française. Là on reconnaît un écrit de 1240, époque où les provençaux luttent de toutes leurs forces pour garder leur indépendance face à la puissance française. Et la bibliothèque des Templiers se fait plus polémique en soutenant le livre sur la Trinité de Gilbert de la Porrée que Saint-Bernard avait fait condamner en 1154. De même les œuvres citées de Pierre Abélard, condamné par le concile de Soissons en 1121 à être brûlé, condamnation réitérée ne 1141. L’apothéose surgit avec les encouragements à lire les livres des Amauriciens dont les partisans seront condamnés à être brûlés vifs en 1210.

 

La bonne nouvelle de cette bibliothèque reste le Policraticus de Jean de Salisbury écrit vers 1159 et qui fait la critique de cette noblesse de  cour qui entoure les rois Plantagenêt. Il y dénonce leurs vices, au premier rang desquels il place leur goût pour la magie et la divination, magie et astrologie qui finissent par rendre plus superstitieux que vrai clairvoyant.

 

Peut-on espérer que les frères Élus et les frères Consolés formés à l’école des maîtres maçons ont échappé à ces balivernes pour se concentrer sur la Géométrie? La présence des oeuvres d’Anselme de Canterbury, qui cherchait des preuves ontologiques de l’existence de Dieu, pourrait aller dans ce sens. 

 

Notre sentiment est que cette bibliothèque des statuts secrets ressemble plus à celle d’un clerc féru de droit et de théologie qu’à celle d’un chevalier occupé à ferrailler en Terre Sainte. Doit-on y voir la patte du chapelain de Roncelin de Fos, Guilhem de Saint-Jean, qui finira sa carrière comme archevêque de Nazareth?

 

 

Un anachronisme dans la bibliothèque des Statuts secrets ? 

 

Dans cette liste, nous trouverons cité le Librum de Divisione Naturae de Jean Scot Erigène. Ce titre pourrait être sujet à caution et remettre en cause l’authenticité de ces statuts secrets. En effet, selon Edouard Jeauneau, spécialiste des œuvres de Jean Scot Erigène, le vrai titre de l’ouvrage est le Periphyséon, titre grec voulu par Jean Scot Erigène. Selon Jeauneau,c’est Thomas Gale (1636-1702) qui imposa le titre erroné De Divisione Naturae lors de sa publication réalisée en 1681. Edouard Jeauneau précise que l’erreur de Thomas Gale viendrait du fait qu’il se serait appuyé sur un manuscrit écrit entre 1125 et 1143, provenant de la bibliothèque de l’abbaye de Malmesbury en Angleterre (Cambridge, Trinity collège, 05.20). À la page 256 de ce manuscrit, l’explicit du Periphyséon se présente ainsi: « explicit liber……………….Hoc est de Nature Divisione » d’où proviendrait l’erreur de l’éditeur.25

 

abbaye de malmesbury

 

Edouard Jeauneau prétend qu’avant cette date de 1681 personne ne parle de Divisione Naturae et tout le monde l’avait appelé Periphyséon. Pour Edouard Jeauneau ce n’est pas une mince affaire puisque cela fait vingt ans qu’il se bat pour que le titre grec de l’oeuvre s’impose de nouveau dans un milieu intellectuel où on s’obstine à utiliser le titre latin De Divisione Naturae. Si ses dires se confirmaient, il faudrait admettre qu’avec ses statuts secrets nous sommes bien devant une falsification du XVIIIe ou du XIXe siècle.

 

Sans prétendre être un spécialiste de l’oeuvre de Jean Scot Erigène, on peut tout de même faire remarquer que ce n’est pas Thomas Gale mais les moines bénédictins de l’abbaye de Malmesbury eux-mêmes qui entretiennent la confusion autour des deux titres de l’oeuvre de Jean Scot Erigène , et cela dès le XIIe siècle. On pense particulièrement au bibliothécaire de l’abbaye, un certain Guillaume de Malmesbury (1090-1143), qui dans son oeuvre-phare Gesta Regum Anglorum, livre II. Pl t clxxix col 1084, cite le livre composé par Jean Scot Erigène en donnant son titre en grec puis en rajoutant  qu’il est intitulé « De Naturae Divisione ».

 

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Des auteurs ont interprété ce passage en pensant que Guillaume de Malmesbury ne faisaient que donner sa traduction latine du titre grec, ce qui donnerait : « Le Periphyséon, c’est-à-dire De Naturae Divisione » comme certains l’ont compris et pas seulement Thomas Gale.

 

Les moines de Malmesbury prétendaient que, chassé de France pour avoir pris des positions contraires à la foi catholique, Jean Scot Erigène aurait trouvé refuge dans leur monastère. Mais ne pouvant s’empêcher d’enseigner, il aurait été tué, percé à coups de stylet, par les écoliers qu’il instruisait. C’est la mort en martyr d’un philosophe qui se bat contre une théologie trop rigide. Aujourd’hui tout le monde s’accorde sur le fait que Jean Scot Erigène n’a sans doute pas fini ses jours dans le monastère de Malmesbury. Mais au Moyen-Âge, Malmesbury était la référence concernant l’oeuvre de Jean Scot Erigène, ce qui donnait du poids à la formule latine de Guillaume de Malmesbury « qui est intitulé De Naturae Divisione ».

 

On retrouvera cette même formule chez un autre chroniqueur anglais du XIIIe siècle. Dans son Flores Historiarum, Matthieu de Westminster, qui sous la date de l’an 883, parle de Jean Scot Erigène. Il est dit: « la composition du Periphyséon qui est intitulé De Naturae Divisione . Très utile pour résoudre certaines questions insolubles » mais, précise-t-il « il faut excuser l’auteur qui s’est écarté de la route des Latins car il avait surtout les yeux fixés sur les Grecs, aussi  a-t-il été jugé hérétique par quelques-uns » 26 

 

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Ce passage du Flores Historiarium daté du XIIIe siècle contredit une fois de plus l’affirmation d’Edouard Jeauneau selon lequel personne ne parle du titre latin De Naturae Divisione avant 1681. 

 

Jean Scot Erigène fut un grand admirateur d’Origène (185-253) qui croyait à la préexistence des âmes. Origène était si apprécié des gnostiques proches d’Evagre le Pontique que le cinquième concile oecuménique réuni en 553 après J.C. fut obligé de condamner certaines de ses propositions.

 

Origene 1

 

On soupçonne d’ailleurs le titre du Periphyséon d‘être une référence à peine voilée au Peri Archon d’Origène. Si on n’est pas satisfait par l’explication d’une simple traduction du titre grec en latin, l’autre hypothèse, plus politique, serait que le titre grec posait problème car trop lié à cette philosophie antique condamnée par les théologiens garants de la tradition biblique. Dans cette perspective, les moines bénédictins de Malmesbury auraient préféré donner au livre de Jean Scot Erigène un titre latin, fusse-t-il celui du premier chapitre De Naturae Divisione ou De Divisione Naturae selon les manuscrits plutôt que le titre grec pour chercher à effacer la polémique sur l’orthodoxie de la démarche du philosophe. Orthodoxie qui sera toujours remise en cause puisque l’oeuvre sera finalement condamnée par l’Église à la date du 23 janvier 1225 par le pape Honorius III (1216-1227), qui ordonne aux évêques, archevêques et autres prélats que soit brûlé le « Periphisis » , titre dénaturé du Periphyséon, ainsi que tous les ouvrages contenant ce texte.27 

 

Cela ne semble pas avoir ému outre mesure les auteurs des Statuts secrets de l’ordre des Templiers qui préconisent la lecture de l’oeuvre mais en utilisant le titre de la tradition latine qui correspond à celui mis en avant par les moines de Malmesbury. Au regard de ces différents éléments, l’utilisation du titre De Divisione Naturae dans les statuts secrets de l’ordre des Templiers ne peut constituer un anachronisme qui serait révélateur d’une falsification.

 

La tradition carolingienne

 

La présence du Librum de Divisione Naturae dans la bibliothèque des Templiers nous rappelle que Jean Scot Erigène (vers 800-876) vécu à la cour de Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne. Jean Scot était considéré comme le continuateur de la tradition néo-platonicienne de la basse-Antiquité. Il fut imprégné d’une oeuvre bien particulière: le De Nuptiis Philologiae et Mercurii écrit vers 455 après J.C. par Martianus Cappela.28 Les noces de l’humble et humaine philologie, protégée de Pallas, avec le divin Mercure, fils de Jupiter, est une oeuvre encyclopédique sous forme d’allégorie poétique. Elle traite de l’activité supérieure de l’esprit contemplatif qui accède à l’immortalité astrale dans la voie lactée. C’est ce thème iconographique que nous retrouvons en partie dans l’église templière de Montsaunès.

 Centaure

 

Jean Scot s’inspire du De Nuptiis dans ses « Versus de verbo incarnato ». Il établit une comparaison entre le Soleil qui illumine les divers moments du Temps et Pallas qui illumine les intelligences. Celle-ci laisse apparaître une couronne à sept rayons lumineux qui symbolisent les sept étapes de l’ascension au Ciel que va effectuer Philologie. Un parallèle peut être effectué entre les sept planètes et les sept arts libéraux, le Trivium et la Quadruvium qui sont cités dans les Statuts Secrets,29 puisqu’une fois que Philologie est arrivée auprès des dieux, après avoir traversé la Voie lactée, Mercure lui offre sept jeunes filles comme demoiselles d’honneur représentant chacune une discipline des arts libéraux. 

 

Philologie

 

Cette encyclopédie fait aussi référence aux nombres de la tradition pythagoricienne concernant l’harmonie des sphères.

 

Nuptiis 2

 

Si l’on s’en réfère à l’éclairant mémoire présenté par Guillaume Delmeulle  à l’Université catholique de Louvain (2017-2018), selon Porphyre (232-305) la conception de la Voie Lactée comme séjour des âmes serait d’origine pythagoricienne. Dans son ouvrage intitulé De Antro Nympharum, Porphyre précise:

 « Selon Pythagore, les âmes, qu’il dit se rassembler dans la Voie lactée, constituent le peuple des songes ».30

 

Un autre auteur antique comme Macrobe (380-440) décrit le fameux voyage: 

 « Ainsi, la Voie lactée embrasse le zodiaque en l’entourant de sa révolution oblique, de sorte qu’elle le coupe là où les deux signent tropicaux, le Capricorne et le Cancer, se trouvent. […] Par ces portes, on croit que les âmes se rendent du ciel vers la Terre et retournent de la Terre vers le ciel. C’est pourquoi l’une est appelée (porte) des hommes et l’autre des dieux: des hommes, le Cancer, parce que c’est par là qu’on descend vers les parties inférieures; le Capricorne, des dieux, parce que c’est par celui-là que les âmes retournent vers le siège de leur immortalité propre et regagnent le rang des dieux. […] C’est pourquoi il (sc. Pythagore) dit qu’on expose comme première nourriture le lait pour ceux qui naissent, parce que le premier mouvement de ceux qui tombent dans les cours terrestres commence à partir de la Voie lactée. »31

 

L’oeuvre de Jean Scot Erigène fut aussi une des références privilégiées des moines bénédictins de Cluny qui furent proche des empereurs du Saint Empire romain germanique. Edouard Jeauneau a rappelé que les deux traités de Jean Scot, trois de ses traductions et son commentaire sur la hiérarchie céleste du Pseudo-Denys l’Aréopagite figuraient dans les plus anciens catalogues de la bibliothèque de Cluny. L’influence de Jean Scott Erigène se retrouve jusque sur les chapiteaux sculptés du coeur de l’église abbatiale de Cluny.32

 

chapiteau cluny 2

 

L'ordre bénédictin de Cluny a participé activement à la mise en place du pèlerinage d'Aix-la-Chapelle en allemagne  jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice (espagne), pèlerinage en lien avec la Voie Lactée.

 

40

 

Ce sont ces mêmes clunisiens qui employèrent et formèrent des générations de bâtisseurs de l’art roman d’Occident. Il n’est pas à exclure que c’est par cette voie des bâtisseurs que cette tradition carolingienne se retrouve sur les murs de l’église templière de Montsaunès. 

 

 

Les préjugés négatifs

 

Les Statuts Secrets de l’ordre des Templiers semblent surtout avoir été victimes des préjugés des historiens qui pour la plupart ne se donnent même pas la peine d’avancer des preuves de la falsification. Quand Laurent Dailliez parle de ces documents dans son ouvrage Règle et Statuts de l’ordre des Templiers, il se contente d’affirmer en parlant des statuts secrets issu de la bibliothèque de la grande loge maçonnique de Hambourg:

 « Le document, qui justifie les pires aberrations d’une pseudo-initation templière imaginée selon les prétendus « aveux », forme une sorte de catalogue bien documenté de toutes les hérésies médiévales. On n’a pu le concevoir qu’après la publication du second tome des actes du procès de Michelet dont il utilise et travestit nombre d’indications jusqu’alors ignorées. Il témoigne aussi d’une bonne connaissance des ouvrages écrits sur le catharisme et la gnose pendant le même période. Au terme d’une analyse pointilleuse et savante, l’historien Hans Prutz a définitivement établi la fausseté de ce document. »"33

 

 Nous avons pu démontrer depuis lors dans notre article sur les Statuts Secrets de l’ordre des Templiers que l’analyse « pointilleuse et savante » d’Hans Prutz n’avait rien de définitive puisque les preuves d’anachronismes qu’il avançait comme pour le mot « druze » pour décrédibiliser ces documents se sont avérées erronées. Pensant sans doute que sa démonstration manquait de punch, Laurent Dailliez dans sa note 37 page 31 du même ouvrage, en rajoutera une couche, même s’il concède que « les approximations, les déformations, les anachronismes, les élucubrations doctrinales ou rituelles ne sont cependant évidents que pour le spécialiste ou l’érudit car le faussaire est doté d’une réelle culture. Le type de syncrétisme qui apparaît dans le document apocryphe de Hambourg et les éléments empruntés par son auteur à la transcription de Michelet permettent de soutenir, sans risque d’erreur, qu’il est postérieur à 1854. »34

 

On aurait aimé de la part de Laurent Dailliez, plutôt que des jugement péremptoires, une argumentation qui donne quelque preuve de la falsification mais nous savons que Laurent Dailliez rejetait totalement la thèse d’une tradition ésotérique au sein de l’ordre du Temple. 

 

On a le même sentiment de préjugé quand on se penche sur la démonstration produite par Peter Partner envers ces mêmes documents dans son ouvrage traduit en français: Templiers, franc-maçons et sociétés secrètes; Paris, 1992. Peter Partner, qui pourtant, nous l’avons vu au début de cet article, semble admettre l’existence de statuts secrets, traite le problème des documents de Hambourg en deux pages, ce qui est vite expédié. Une des principales « preuves » qu’il avance consiste au fait que les statuts stipulent que « la cérémonie de réception de l’Élu comporte divers baisers rituels, y compris sur le membre viril, bien que, par une mauvais interprétation des textes au procès, la règle veuille que l’aspirant reçoive le baiser au lieu de le donner. » Autrement dit, selon Partner, le falsificateur aurait maladroitement inversé les rôles lors de cette cérémonie. Pour s’en assurer, nous avons donc consulté les 127 charges formulées dans l’acte d’accusation du procès de l’ordre des Templiers, rédigé le 12 août 1308 et publié par Malcom Barber (traduction Sylvie Deshayes), le Procès des Templiers, Tallandier, 2007, facilement consultable sur Internet. À propos de cette cérémonie, l’acte d’accusation précise: 

 « Item, que pendant la réception des frères dudit ordre ou vers ce moment, soit celui qui recevait, soit celui qui était reçu était baisé sur la bouche, sur le nombril ou sur le ventre nu, et sur les fesses ou au bas de l’échine. Item, [qu’ils étaient baisés] parfois sur le nombril. Item, [qu’ils étaient baisés] parfois au bas de l’échine. Item, [qu’ils étaient baisés] parfois sur le pénis. »

 

« Soit celui qui recevait, soit celui qui était reçu était baisé sur la bouche » : il apparaît clairement que les accusateurs ne savent pas exactement si c’est l’aspirant ou celui qui reçoit qui donne le baiser. La première affirmation de Partner est donc fausse puisque dans les textes du procès celui qui reçoit peut très bien avoir effectué le baiser rituel. 

 

Pour Partner, les Templiers sont des hommes simples, incapables du moindre effort pour bâtir le Temple de la Sagesse et la fin des Templiers n’est due qu’à leur propre médiocrité et à leur manque de noblesse. Il conclut son livre en disant: « Si un homme doit vivre un jour dans l’harmonie mozartienne, ce sera peut-être sur les principes de l’idéal franc-maçon, ce ne sera certainement pas selon l’idéal des Templiers médiévaux. »35

 

Eugène Aroux, une des sources du faussaire selon Partner

 

Partner est si persuadé que ces statuts secrets sont des faux qu’il cherche leurs sources dans les auteurs de l’époque, comme Eugène Aroux, qui publia en 1854 Dante, hérétique, révolutionnaire et socialiste, Révélations d’un catholique sur le Moyen-Âge. Eugène Aroux fait de Dante un horrible Templier. Il est vrai que certains passages de l’ouvrage d’Eugène Aroux sont troublants en ce qui concerne les liens entre cette publication et les thèmes abordés dans les statuts secrets comme par exemple celui où Eugène Aroux nous dit:

 « Dans le Nord, Amaury de Bène, près de Chartres, et son disciples David de Dinant se mettaient, vers la fin du XIIe siècle, à prêcher une sorte de panthéisme mystique, puisé dans les écrits de Scot Erigène, reflet altéré des sectes hétérodoxes composés sous le nom de cathares. Quelques-une de leurs doctrines ont en effet, une ressemblance frappante avec celles des hérétiques d’Orléans de 1022, que M.C. Schmidt rattache sans hésiter à l’église cathare […]»36

 

Eugène Aroux se réfère à l’étude de M.C. Schmidt Histoire des Cathares ou Albigeois, Paris, 1849, tome I, p. 28, tome II, p. 151-287. Eugène Aroux soutient la thèse d’une gnose templière qui aurait des similitudes avec l’hérésie albigeoise comme pourrait le laisser paraître les statuts secrets. Il s’appuie aussi sur l’ouvrage d’un franc-maçon, F. Reghellini, Esprit du Dogme de la franche-maçonnerie, édité à Bruxelles en 1825 pour évoquer les baisers échangés par les esprits dans la flamme au moment où ils se rencontrent, qui ne nous reporte aux rites secrets des adeptes, car nous lisons dans un de leurs auteurs: « la cérémonie de l’osculum fraternitatis fut adoptée par les chevaliers templiers qui la transmirent aux frères maçons. »37

 

Eugène Aroux dit encore à propos de son auteur franc-maçon « Reghellini a eu raison de dire, à propos de cette figure de Caton, que Dante avait vu des Abraxas, mais il aurait frappé plus juste en disant qu’il avait voulu offrir dans cet étrange représentant de Dieu à la longue barbe blanche et noire, un Abraxas vivant et la reproduction politique du Baphometus des Templiers. »38

 

Baphomet, Abraxas, baiser obscène, les Amauriciens, leurs liens avec Jean Scot Erigène et les hérétiques d’Orléans de 1022: beaucoup d’élément que l’on retrouve effectivement dans les statuts secrets des Templiers. Peter Partner en conclut que ces prétendus statuts secrets ont été écrits après la date de cette publication, au début de la deuxième moitié du XIXe siècle. Il ne fait aucun cas de la découverte de ces documents par Frédéric Münter à la fin du XVIIIe siècle. Pourtant même Eugène Aroux cite Münter en note dans son ouvrage, page 142. Si Ferdinand Wilcke, (1800-1861), auteur et pasteur allemand, accepté en 1825 dans la loge maçonnique des trois épées à Halle, a eu connaissance des statuts secrets par son ami Münter pendant l’élaboration de son ouvrage sur l’histoire des Templiers publié à Leipzig en 1826,39 cela aurait bien pu être le cas pour d’autres auteurs. 

 

L’influence des loges maçonniques sur les recherches profanes

 

 

Il n’est pas venu à l’esprit de Partner que les découvertes du maçon Frédéric Münter auraient pu être travaillées en loge. Vu la notoriété de savant du personnage, ses découvertes avaient dû faire grand bruit en loge.40 Remarquons qu’entre le moment de la découverte de la Règle des Templiers à Rome par Frédéric Münter en 1785 et le moment où Maillard de Chambure la publie en 1840, 55 ans se sont écoulés pendant lesquels cette Règle était entre les mains des néo-templiers parisiens. 

  

On constate par exemple qu’Eugène Aroux s’est appuyé sur M.C. Schmidt. Or dans son ouvrage sur l’Eglise d’Occident publié en 1885,41 Schmidt s’intéresse à l’ordre des Templiers et n’hésite pas à citer en note Ferdinand Wilcke, page 134, et Frédéric Münter et Maillard de Chambure, page 135.

 

Il semble que les statuts secrets ont beaucoup circulé avant leur publication, passant de Copenhague à Saint- Petersbourg, puis à Stockholm pour finir entre les mains du docteur Buck de Hambourg. Au final, c’est la grande loge de Hambourg qui s’appropriera définitivement les précieux documents.42 

 

Dans ce cas, nous serions devant un exemple typique de l’influence que les travaux au sein des loges peuvent avoir sur la production savante du monde profane. Dans cette configuration, ce n’est pas Eugène Aroux qui aurait inspiré le falsificateur mais inversement l’étude des statuts secrets au sein des loges maçonniques qui aurait lancé les érudits sur la piste des liens entre Cathares et Templiers. Et si ces documents n’ont jamais été évoqués auparavant c’est qu’ils n’avaient pas été publiés, avant que Théodore Merzdorf se décide à le faire à Halle, en 1877. On se rend compte que l’argumentaire de Partner peut très bien se retourner et qu’il ne constitue en aucune façon un élément de preuve recevable. 

 

Peter Partner est aussi surpris de découvrir des sourates du Coran et le cri « Yah Allah!» , difficile à comprendre selon lui pour une religion l’Islam monothéiste incorporée à des textes dualistes. Sur ce sujet, on peut renvoyer aux travaux d’Henri Corbin sur l’Islam iranien et ses aspects spirituels.43 

 

Deux autres constats sont lancés sans le souci de les démontrer tellement c’est évident pour lui. Les statuts suggèrent que tous ces groupes fantaisistes : 

 « les Pauvres de Lyon, les Cathares, les Bagnolens, les Bulgares, les Béguins entretenaient une correspondance active entre eux, une notion qui ne peut que faire sourire un historien moderne spécialiste de ce sujet .» 

 

En quoi peut-il affirmer que ces différents groupes n’avaient aucun contact entre eux? En quoi l’existence ou non d’une « correspondance active » est-elle un argument en défaveur des statuts secrets qui citent différents groupes qui peuvent être invités aux réunions mais ne donnent aucune indication particulière sur leur correspondance active? Voici l’article 8 des Frères Consolés concerné:

 « Il y a des Élus et des Consolés dans toutes les régions du monde. Là où vous verrez construire de grands bâtiments, faites les signes de reconnaissance et vous trouverez beaucoup de justes instruits de Dieu et du grand Art. Ils en ont hérité de leurs pères et maîtres et sont tous Frères. Dans ce cas sont les Bons Hommes de Toulouse, les Pauvres de Lyon, les Albigeois, ceux des environs de Vérone et de Bergame, les Bajolais de Galicie et de Toscane, les Bégards et Bulgares. Par les chemins souterrains vous les amènerez à vos chapitres et, à ceux qui concevraient quelque crainte, vous conférerez le Consolamentum en dehors des chapitres, devant trois témoins. »

 

Quant au dernier constat, les franc-maçons templaristes s’étaient jusqu‘à maintenant attachés à faire des faux pour renforcer leurs rituels. Avec ces Statuts Secrets, ils visent  « une large diffusion publique non réservée à un cercle maçonnique restreint. »44

 

Ce qu’on retient surtout du livre de Peter Partner c’est qu’il ne semble pas porter dans son coeur cette franc-maçonnerie templariste, lui préférant la franc-maçonnerie dite « bleue », ce qui pourrait expliquer la rapidité avec laquelle il traite le sujet et son dédain affiché envers les documents de Hambourg. On ne peut que regretter que les statuts secrets de l’ordre des Templiers n’aient pas bénéficié d’une critique plus sereine et moins soumise aux préjugés. 

 

 

Conclusion

 

 

Tant que les historiens n’auront pas apporté une preuve tangible et irréfutable qui permette de disqualifier ces documents, il n’y a aucune raison de remettre en question la sincérité des travaux de Théodore Merzdorff., d’autant plus que beaucoup de références contenues dans les articles des statuts secrets correspondent à l’esprit de cette Provence gibeline des années 1240, en révolte contre l’Église romaine et le roi de France et singulièrement proche des mouvements hérétiques de l’époque. 

 

Sans aller jusqu’à invoquer la science épistémologique pour asseoir nos certitudes, force est de constater que les découverte archéologiques récentes ne font que corroborer le contenu de ces statuts secrets. 

 

D’autre part,  les Templiers ont été affiliés à une confrérie de bâtisseurs dès la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle comme le prouvent les fresques de l’église templière de Montsaunès.

 

Monsaunes confrerie

 

Les frères templiers ne se sont pas contentés de recevoir les leçons des maîtres maçons: ils ont aussi participé à implanter dans le Midi de la France une nouvelle manière de bâtir issue du savoir-faire des moines de l’abbaye cistercienne de Bonnefont en Comminges. Les Templiers ont été le lien entre l’ancienne tradition romane visible à Montsaunès et le nouvel art dit gothique. La Chapelle templière de Sainte-Maire-de-Bethléem à Avignon construite entre 1273 et 1281 en est la preuve irréfutable. 

 

 chapitre avignon 2

 

Cette chapelle templière, première dans son genre dans le Midi de la France, a été construite sur l’initiative de Roncelin de Fos, maître de la province templière de Provence et auteur présumé des statuts secrets de l’ordre des Templiers. 

 

Au XIIIe siècle, il y a bien eu un franc-maçonnerie templière, ou, pour reprendre l’expression des romans de la Table Ronde, une « maisnie du saint Graal » qui dans la commanderie templière de Montsaunès en Comminges a cherché, n’en déplaise à Peter Partner, a élever son propre temple de la sagesse pour aboutir à l’aide de la Géométrie à l’élaboration d’une nouvelle façon de concevoir l’espace. C’est cet espace unifié qui permettra d’élever des édifices mais surtout d'unir ce qui est épars et qui, bien plus que la pierre des philosophes, deviendra au fil du temps le véritable Graal des maîtres maçons de la tradition templière. 

 

 

par Jean-Pierre SCHMIT

 


 NOTES:

 

1. CARRAZ, Damien. L'Ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312), ordres militaires, croisades et sociétés méridionales. Presses Universitaires de Lyon; 2005; p. 485, note 32: "HGL, t. IV, col 97", n°39; et E. LANGOIS, Les registres de Nicolas IV, t.II, n°7628 ( bulle Dura nimis, 18 août 1291).

2. DEMURGER, Alain. Jacques de Molay, le crépuscule des Templiers; Biographie Payot; Paris 2002; p. 95

3. Ibid, p. 96

4. Ibid, p. 285

5. Ibid, p. 285

6. PARTNER, Peter. Templiers, Francs-maçons et Sociétés secrètes; traduit de l'anglais pas NAVARRO, Marie-Louise; Editions Pygmalion/ Gérard Watelet; Paris, 1992; p. 126-127

7. LEGMAN, G. La culpabilité des Templiers; Henri Veyrier éditeur; traduction de Martine et Hervé Laroche; 1973 (1966); p. 74

8. Outre ses activités maçonniques, Frédéric Münter est membre de l’académie des Sciences de Saint-Petersbourg, de l’Académie des Sciences de Russie, de la Société Royale danoise des sciences, de l’Académie des Sciences de Prusse, de l’Académie royale des sciences de Suède; ainsi que de l’Académie des Antiquités, et chevalier de l’ordre de Dannebrog.

9. Frédéric Münter serait un des fondateurs de la loge maçonnique Philantropia, à Naples.  Voir: Nico Perrone, La loggia della Philantropia. Un religioso danese a Napoli prima della rivoluzione con la corrispondenza massonica e altri documenti; Palermo, Sellerio ed, 2006.

10. Frédéric Münter fait partie de la liste des membres de la société secrète des Illuminati sous le pseudonyme de Syrianus. Il est présent avec d’autres comparses comme le marquis Donato Tommasi (1725-1812) alias Giano Gioviano Pontano, qui sera premier ministre du royaume des deux Sicile et co-fondateur avec Frédéric Münter de la loge Philantropia à Naples. On compte aussi Joseph von Sonnenfels (1732-1817), alias Fabius-Numa Pompilius Romanus, juriste et écrivain, ainsi que son ami Ignaz von Born (1742-1791) alias Furius Camillus. On remarquera aussi la présence du duc Ferdinand de Brunswick (1721-1792), alias Aaron et Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), alias Abaris. Tous ces membres concourent à la grande utopie de la République des Sciences et des Lettres qui maillent l’espace européen des lumières maçonniques et profanes. 

11. Après l’interdiction de cette société secrète par les autorités bavaroises, Joseph von Sonnenfels quitte l’ordre des Illuminati en 1786. Dans une lettre. Adressée à son ami Frédéric Münter datée du 2 juillet 1786, Ignaz von Born écrit ces mots définitifs: « Sonnenfels est devenu un traître à l’ordre ». Ignaz von Born, maître en chaire d'une loge maçonnique viennoise est Fellow de la Royal society de Londres (1774), membre associé des Académies de Stockholm, Uppsala, Göttingen, Saint-Petersbourg, Padoue ou encore Toulouse.

12.  Cette réputation des Templaristes n’était sans doute pas totalement usurpée puisque Frédéric Münter fut très actif à Naples, vers les années 1785-1786 où, autour des milieux maçonniques et de sa loge Philantropia, va se constituer un noyau de révolutionnaires républicains. Emmenés par Franscesco Mario Pagano, qui sera élu Vénérable maître de la loge Philantropia, les maçons républicains ont le projet de renverser la monarchie de Ferdinand IV de Bourbon et s’allieront le moment venu aux troupes napoléoniennes pour proclamer le 21 janvier 1799 la République parthénopéenne, soeur de la République française. République bien éphémère, puisque le 7 mai 1799 les troupes françaises sont obligées d’évacuer Naples pour se battre dans les plaines du Pô contre les armées du général russe Souvorov. Pagano et ses amis républicains se retrouvent seuls face au roi Ferdinand IV, soutenu par les troupes britanniques de l’amiral Nelson. Acculés à la reddition, Fransesco Mario Pagano et ses amis républicains seront pendus le 29 octobre 1799.

13. Biographie Universelle en 6 volumes ou Dictionnaire Historique par une société de gens de lettres sous la direction de M. WEISS, bibliothécaire à Besançon; Paris, 1836, tome IV, p. 325

14. Dans le Lévitikon ou Exposé des principes fondamentaux des chrétiens-catholiques-primitifs, Paris, 1831, Bernard-Raymond Fabré-Palaprat confirme que Frédéric Münter a bien cédé sa Règle du Temple aux néo-templiers français. Il dit, page 16: « une copie manuscrite d’une ancienne règle du Temple en langue romane, qu’il avait trouvée dans la Bibliothèque du Vatican, copie dont il a cru devoir faire hommage à l’ordre. »  Cette copie est l’exemplaire complet de la Règle du Temple datée entre 1250 et 1300 avec les 72 articles primitifs de la « regula » plus le texte intégral des retraits qui embrasse les différents établissements du Temple, l’élection et les devoirs de ses dignitaires, et les peines portées contre les délits. Précisons que cette Règle issue de la bibliothèque des Corsini à Rome n’est pas celle qui figure dans le premier document des Statuts secrets de la grande loge de Hambourg. La Règle des Statuts secrets est une « regula » simple avec ses 72 articles, plus 7 articles complétant la regula, qui se termine par cette phrase: « Ici finissent les adjonctions faites à la Règle des pauvres combattants de la Ville Sainte que moi Mathieu de Tramlay j’ai recopiées ainsi que la Règle, le jour de la saint Félix de l’an 1205. » Même Laurent Dailliez admet que cette première partie des Statuts secrets avec ses adjonctions est relativement anodine et pourrait presque passer pour des adjonctions authentiques. 

15. L’abbé Grégoire, prêtre catholique, une des figures de la Révolution française, se ralliera au Tiers-État et à l’Assemblée constituante. Élu député en 1789, il réclame l’abolition des privilèges et de l’esclavage et prône le suffrage universel. Il participe à la création de l’Institut de France. L'abbé Grégoire semble très proche des néo-templiers français. C’est dans le deuxième tome de son Histoire des Sectes religieuses, édité par Baudouin Frères, Paris 1828, que l’on trouve le portrait du grand maître des Templiers, Bernard-Raymond Fabré-Palaprat. Il écrit page 395 du tome II, dans son chapitre sur les Templiers: « Dans le nombre des écrivains, la plupart français, allemands, danois, qui de nos jours ont écrit sur les templiers, celui qui, par ses ouvrages et par la publication de monuments inédits, a jeté plus de jour sur cette histoire, est le célèbre Munter, de Copenhague. Mon amitié n’est ici que l’écho de la voix publique. En 1794, il publia en allemand les statuts ou retraits de l’ordre, d’après l’original conservé dans la bibliothèque Corsini à Rome, et il y joignit des dissertations sur l’organisation et le gouvernement des templiers; mais il reste à publier le texte de ce manuscrit important et volumineux qu’il a copié à Rome, et qui est intitulé: Les Retraits de la maison du Temple, partie en latin, partie en français du 12e siècle. Il contient dans le plus grand détail ce qui concerne les élections, admissions, exclusions, punitions, droits et devoirs propres à chaque grade et ceux qui sont commun à tous. »

16. MAILLARD de CHAMBURE, C-H. Règle et Statuts Secrets des Templiers, précédés de l’histoire de l’établissement, de la destruction et de la continuation moderne de l’ordre du Temple, publiés sur les manuscrits inédits des Archives de Dijon, de la Bibliothèque Corsini à Rome, de la Bibliothèque royale à Paris, et des Archives de l’Ordre; Brockaus et Avenarius, Paris, 1840 L’auteur, qui affiche dans son ouvrage le grand sceau du gouvernement de l’Église chrétienne avec ses initiales V.D.S.A. ( Vive Dieu Saint Amour ) et qui n’hésite pas à nous raconter par le menu tous les déboires des Templiers moderne, devait certainement être un membre actif de ces néo-templiers français. 

17. Frederici MUNTERI, episcopi Zelandioe, notitia codici groeci Evangelium Johannis variatum continentis; Hauniae; JH SCHUBOTHE; 1828

18. GILLES, René. Les Templiers sont-ils coupables? Leur histoire, leur règle, leur procès; Henri Guichaoua Éditeur, Paris, 1957; note 1 p. 77

19. GACHARD, Louis Prosper. « III Les archives du Vatican » in: Compte-rendu des séances de la commission royale d’Histoire; deuxième série, tome I, année 1873, p. 211-386

20. BRUN, Friederike. Lettres de Rome (1808-1810); édition commentée de Nicolas Bourguinat et Hélène Risch; Presses Universitaires de Strasbourg; 2014; cinquième lettre; 7, p. 103-109 Consultable sur: http://books.openedition.org/pus/4098

21. GILLES, René. Les Templiers sont-ils coupables? op.cit., p.77

22. DEONNA, W. « Abra, Abraca: la croix-talisman de Lausanne ». In: Revue d’Histoire de l’art et d’archéologie; Genève; 1944. Cette croix-talisman est parfois datée du VIe ou VIIe siècle. Voici l’autre face de cette croix de Lausanne avec ABRAXAS. 
Abrac Lausanne

23. AURELL, Martin; BOYER, Jean-Paul; COULET, Noël. La Provence au Moyen-Âge; Publications de l’Université de Provence, collection le Temps de l’Histoire; 2005; pp. 135-136

24. TAVIANI-CAROZZI, Huguette. "Une histoire "édifiante" : l'hérésie à Orléans en 1022"; in: Faire l'évenement au Moyen Âge; Aix-en-Provence; Presses Universitaires de Provence; 2007; pp. 275-298 Consultable sur internet:  http://books.openedition.org/pup/5724

25. JEAUNEAU, Édouard. "Le Periphyseon: son titre, son plan, ses remaniements", dans: Les Études Philosophiques; 2013/1 (n°104); pp. 13 à 28

26. Flores historiarum, per Matthaeum Westmonasteriensem collecti, praecipue de rebus britannicis ab exordio mundi usque ad annum Domini 1307 ; Londoni; Exofficina Thomae Marshij; 1570; Bibliothèque de la ville de Lyon: Ms 129069; p. 334

27. JEAUNEAU, Édouard."Le Periphyseon: son titre, son plan, ses remaniements"; Op. cit.; pp. 13-28

28. THOUZELLIER, Christine. "Jean Scot Erigène et l'histoire de la philosophie"; in: Revue de l'histoire des religions; tome 194, n°1; 1978; pp. 70-78

29. Article 9 des Frères Élus: « L’ignorance étant la source de beaucoup d’erreurs, nul ne sera admis parmi les Élus s’il ne connaît au moins le Trivium et le Quadrivium. Exception faite pour les musulmans qui n’ont aucune part à la Babylone romaine et à ses erreurs. »

30. DELMEULLE, Guillaume. La Voie lactée dans l’Antiquité, entre mythologie et science. Resupina fait mortalibus ora (Man., I, 715) ; mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de master en langues et lettres anciennes, orientation classiques;  propoteurs: professeur J. Lempire, professeur Cl. Obsomer; Université Catholique de Louvain; Faculté de Philosophie, arts et lettres, langues et lettres anciennes; année académique 2017-2018; p. 42

31. Ibid, p. 51

32. BONNET SAINT-GEORGES, Dominique. "Jean Scot à Cluny: proposition de lecture pour le chapiteau du "péché originel" "; in: Revue Mabillon; n.s., t. 17 (=t. 78), 2006, pp. 53-73

33. DAILLIEZ, Laurent. Règle et Statuts de l'ordre du Temple"; deuxième édition augmentée présentée par Jean Pol Lombard; Editions Dervy; Paris; 1996 (1972); pp. 26-27

34. Ibid; note n°37; pp. 31-31

35. PARTNER, Peter. Templiers, Francs-maçons et Sociétés Secrètes; Op. cit; p. 259

36. AROUX, Eugène. Dante, Hérétique, révolutionnaire et socialiste, Révélations d'un catholique sur le Moyen-Âge; Jules Renouard et Cie; livraires-éditeurs; Paris; 1854; pp. 4-5

37. Ibid; p. 190

38. Ibid; p. 161

39. WILCKE, Wilhem-Ferdinand. Geschichte des Tempelherren-Ordens nach den vorhandenen und mehreren bisher unbenutzten Quellen; 2 vol. in-8°; Leipzig, 1826

40. Frédéric Münter était en contact avec son compère Illuminati Ignaz Von Born, membre de la loge À la Vraie Harmonie, « Zur Wahren Eintracht » » de Vienne, et qui poussa à la création d’ateliers où les maîtres maçons pouvaient présenter des travaux le premier lundi de chaque mois lors d’une « Übungsloge » (loge d’exercice). Encouragé par le succès de cette initiative, Von Born ira jusqu’à publier un journal réservé aux francs-maçons : le journal Für Freymaurer, de 1784 à 1786. Ignaz Von Born publiera la planche inaugurale de la loge d’exercice qu’il consacre aux mystères des Égyptiens, planche qui aurait inspiré le livret de la Flüte Enchantée de Wolfrgang Amadeus Mozart. Référence: Pierre-Yves Beaurepaire,  l’Europe des Francs-maçons XVIIIe et XXIe siècle, Paris, éditions Belin, 2002-2018.

41. SCHMIDT, Charles. L'Église d'Occident pendant le Moyen-Âge; librairie Fischbacher; Paris; 1885; pp. 134-135

42. GILLES, René. Les Templiers sont-ils coupables?; Op. cit. ; p. 77

43. CORBIN, Henry. En Islam iranien; Aspects spirituels et philosophiques tome IV; L'École d'Ispahan, L'École Shaykhie, le Douzième Imâm; Editions Gallimard; 1972

44. PARTNER, Peter. Templiers, Francs-Maçons et Sociètés Secrètes; Op. cit.; p. 236

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