le courrier des lecteurs

 

Courrier d'un lecteur du 22/02/2015:

 

Bonjour Monsieur.

Je lis avec intérêt votre Blog « lesfilsdelavallee ». Vous êtes magnifiquement documenté, et ce blog représente une énorme somme de travail. Je souhaiterais, juste, intervenir sur un point, concernant vos trois articles intitulés « L'initiation sacerdotale, selon l'ordre de Melchisédech ».

Monsieur « Melki_tsedek », tout comme Monsieur « A_B_R_A_ham », ne sont pas des entités de l’ordre des humains. [ citation : Il n’a ni Père, ni Mère ] . [ Abraham ]  est une « somme mathématique kabbalistique ». Le nom « Melki_tsedek » est une anagramme, issue de l’Hébreu. « Melki » signifie « Roi », et « Tsedaka » signifie «  Principe (et non résultat) de l’aumône ». Le primum movens du « don vital » (appelé aumône) est issu du « donneur », et non de celui qui reçoit. Le princeps, de la « tsedaka » est donc « la source de la vie » (donnée par le Roi de la vie « Melki-Tsedeka ». Cette source de la vie correspond à la phrase de Yeshoa : « celui qui boira de cette Eau n’aura plus jamais soif ». C’est « l’esprit de l’eau », qui se trouve dans le Graal. C’est donc, le « Saint Esprit des Chrétiens ».

Si vous avez quelques connaissances en hébreu ancien, cette « Eau » est issue du monde méta-physique, dit de « Briah » (Monde de la Création), et non de celui d’Assiah (monde de l’action-réaction, connu des Physiciens). Avez-vous déjà vu de l’eau couler d’un cœur biologique, ouvert mécaniquement ? L’initiation, dont vous parlez, correspond, au « sacr_i_fice » (faire sacré, ce qui ne l’était pas) selon l’ordre (ordonnance, et non organisation) de Melki-Tsedek. Cet « ordre » remplace la technique du sacrifie (par le versement du sang) selon l’ordre d’Aaron. En versant son sang, Yeshoa a substitué l’ancienne méthode sacerdotale (ancien Testament) par celle du Nouveau Testament ; qui consiste à faire, en mémoire de Yeshoa le « sacre_i_fice» du pain et du vin. Mangez et buvez des nutriments biochimiques, vous les « Christifierez », si vous le faites, en mémoire de mon « sacre_i_fice ». Vous les ferez passer (par sublimation) du monde d’Assiah, vers le monde de Briah.

C’est le « principe de la Pierre cubique, sublimée en pierre cubique à pointe, ou quintification de la pierre, qui devient ainsi « philosophale ». « Tu es Pierre, et SUR cette Pierre (l’ex Eglise du Vatican) je bâtirai, par l’intermédiaire du nouveau « Fils de l’Homme », Jean, « mon » Eglise ; laquelle sera, ainsi « johannite , et non plus, romaine». L’esprit de la communion (mettre en commun) a été complètement déformé par des exégètes dogmatiques, afin de s’en approprier le bénéfice exclusif. Yeshoa est mort afin qu’il soit le seul intermédiaire entre « son Père », et chaque humain, qui le souhaite. Ce faisant, il a « fait sauter la notion de sacerdoce » ; on peut comprendre que cela n’ait pas plu, aux « Sacerdotaux de la lignée d’Aaron ». S’il y a des « sacrificateurs selon le nouvel ordre de Melki-Tsedaka », il n’y a plus de « sacerdoce », issu de l’ordre de melkitsedaka. Le seul Prêtre Chrétien est celui que Yeshoa a désigné au pied de la croix, en disant à sa Mère biologique : « Voici ton Fils » ; il montrait le disciple (et non l’apôtre) qu’il aimait : « Jean », (l‘évangéliste) lequel n’est pas le fils de zébédée, frère de Thomas. C’est le Prêtre et Roi Jean annoncé par l’un des membres prestigieux de l’Ordre des Rois Mages : « Mikaletus Nostra damus », qui signifie : « main, des forces archangéliques de Mikaël (qui) nous (nostra) donna (damus) ». Michel a dissimulé l’origine de son message derrière le nom « Notre Dame ».

Vous avez très bien vu le lien entre l’Esprit Saint et la Vierge Sophia (Porta caeli), Vierge aussi concrétisée par les Vierges (dites noires), visible, entre autre, au Mont de Mickaël ; lequel, depuis une semaine, est redevenu « vierge », ... durant, deux fois, une heure et demie, lors des très grandes marées. Contrairement à ce qu’à, bien imprudemment, affirmé René Guénon, le fil de la Tradition melkiètsedekienne (Greco-Christo-Arthurienne) n’est pas rompu. Pourquoi certaines forces s’acharnent-elles avec autant d’insistance à tenter de détruire la Syrie (Antioche), la Russie orthodoxe, Chypre, et maintenant, la Grèce, très orthodo-chrétienne ?  La prochaine cible sera, presque sûrement, « Rome ». Mais, selon la formule « cum_sacrée » : « c’était .. écrit » ! Encore merci pour votre « tsedaka ». Bien sincèrement.

 

 

 

Réponse du 22/03/2015

 

Cher Monsieur,

 

Il faut bien que je vous le dise, je n'imagine pas une seconde un monde sans rabbins, sans prêtres ou sans imams. La foi en Dieu est trop précieuse pour ne pas être célébrée même si je dois confesser que je n'assiste que trop rarement à ces célébrations.

A travers mes recherches sur la tradition templière, mon but n'est pas d'ordre religieux mais plutôt d'éclairer les laïcs sur les outils de leur propre gouvernance. La figure de "Melki-tsedek" nous pose, à mon sens, une question: quel ordre mondial voulons-nous pour l'humanité?

Après la première croisade et la prise de Jérusalem par les Latins, l'église grégorienne et les chanoines réguliers ont utilisé la figure de Melchisédech pour imposer au monde l'esprit de la Respublica Christiana. Malgré quelques succès d'estime en Aragon ou en Syrie franque auprès des diverses communautés religieuses qui composaient les populations de ces régions, la démarche des chanoines réguliers fut globalement un échec. L'expérience des croisades montre qu'il est illusoire de penser qu'une religion puisse dominer les autres.

Certains, au sein de l'église grégorienne, ont cru trouver la solution en cherchant à promouvoir la gnose. Cette religion, très présente en Orient, était centrée sur la connaissance des mystères divins. C'est à cette époque que l'on voit apparaître en Occident la fameuse figure du Prêtre Jean. On passait ainsi d'une religion révélée à une religion à mystères – qui, si elle laissait de côté les simples d'esprit, pouvait au moins avoir l'avantage de rassembler l'élite des différentes religions autour d'un syncrétisme de bon aloi. Mais là encore, ce fut un échec.

Non seulement la gnose ne permit pas d'établir la paix entre les différents peuples de Terre Sainte, mais en Occident elle eut pour effet de développer l'esprit de superstition. Les moines, les clercs et les laïcs se prirent de mode pour les amulettes en tout genre, pour les incantations et les figures symboliques censées invoquer les forces occultes de la Nature. Le XIII° siècle en Occident fut véritablement le printemps des magiciens.

Pour la défense des Latins, il faut préciser que les clercs et les intellectuels de cette époque avaient dû assimiler en à peine un demi-siècle ce que l'Orient avait connu depuis mille ans.

Même si l'église grégorienne, installée à Jérusalem, a échoué à imposer sa religion au monde, elle a eu tout de même deux mérites à mes yeux. Elle a remis au goût du jour les valeurs de la citoyenneté et, d'autre part, en séparant distinctement le statut du laïc de celui du clerc, elle a permis l'émergence, à travers la théologie du Purgatoire, d'une véritable légitimité sociale et politique du laïc. La distinction entre laïc et religieux me paraît d'ailleurs plus fondamentale qu'entre religion avec ou sans prêtre.

La légitimation du statut du laïc, à travers le feu Purgatoire, n'est pas une mince affaire. La réflexion sur le lieu Purgatoire pour les laïcs, entamée par les cisterciens de la Stricte Observance bénédictine, a trouvé de nombreux relais au sein de l'Église – notamment avec les ordres mendiants du XIIIème siècle, ce qui aboutira à la théologie du Purgatoire du dominicain saint Thomas d'Aquin. Sa somme théologique trouvera son total accomplissement avec le très laïc Dante Alighieri, poète florentin, qui nous livrera dans son œuvre magistrale de la Divine Comédie toute la synthèse d'une réflexion initiée par les cisterciens ainsi d'ailleurs (il ne faudrait pas les oublier) que par les théologiens du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris.

Pour ce nouvel homme, passé au feu Purgatoire, l'outil de sa rénovation n'est pas la Kabbale, qui reste chez les Latins du Moyen-Age, une science cantonnée à l'interprétation des Écritures Saintes, mais la science de la Géométrie. Car comme le dit Dante Alighieri dans son Banquet (II,XIII,27): "La Géométrie est très blanche en ce qu'elle est sans tache d'erreur et très certaine par soi et par sa servante qui s'appelle Perspective."

La voie royale pour ce nouveau laïc adoubé est sans conteste l'art des architectes. Pour s'en convaincre, on peut relire l'œuvre de Pierre "Le Mangeur", chancelier de l'Église de Paris, qui enseigne à l'école de Notre-Dame autour des années 1164-1169.  Dans un sermon pour la dédicace de l'église sur le thème d'un verset du psaume CXXII 3 (121) "Jérusalem, bâtie comme une ville où tout ensemble fait corps", Pierre le Mangeur fait explicitement référence au Purgatoire. Voilà ce qu'il dit:

" Dans l'édification d'une cité, trois éléments concourent. D'abord on extrait avec violence des pierres de la carrière, avec des marteaux et des barres de fer, avec beaucoup de travail et de sueur des hommes; ensuite avec le burin, la bipenne et la règle elles sont polies, égalisées, taillées à équerre; et troisièmement elles sont mises à leur place par la main de l'artiste. De la même façon, dans l'édification de la Jérusalem Céleste il faut distinguer trois phases: la séparation, le nettoyage et la "position". La séparation est violente, le nettoyage purgatoire, la positon éternelle. Dans la première phase, l'homme est dans l'angoisse et l'affliction; dans la seconde, dans la patience et l'attente; dans la troisième, dans la gloire et l'exultation. Dans la première phase l'homme est criblé comme du grain, dans la seconde il est examiné comme l'argent; dans la troisième il est placé dans le trésor…" (cité par Jacques Le Goff dans La Naissance du Purgatoire, éditons Gallimard, 1981, p. 210)

 

Examiné comme l'argent pour être placé dans le trésor: il me semble qu'on parle de ce nouveau chevalier des temps modernes, ce laïc adoubé grâce à la science de la géométrie – et qui portera son regard vers Jérusalem.

Pour en revenir à "Melki-tsedek" et au nouvel ordre mondial que nous appelons de nos vœux, il est grand temps que les citoyens de cette planète – qui représentent les différentes nations du monde – s'inscrivent dans un espace symbolique commun. Aujourd'hui, les échanges internationaux sont dominés par le commerce des armes et de la drogue, alors que dans le même temps des millions d'êtres humains meurent de faim dans l'indifférence générale. La gestion de notre monde est catastrophique. L'écart entre les plus riches et les plus pauvres ne fait que s'accroître sur une planète où la biodiversité se réduit comme peau de chagrin. Quant à notre exploration spatiale, elle est au point mort. Le bilan des Nations-Unis sur certains de ces sujets et sur d'autres est en vérité pitoyable. Il est évident qu'il ne suffit pas de rassembler des hommes et des femmes de tous horizons dans un même lieu pour être unis. Sans une culture commune, qui structure notre vision du monde, il n'y aura pas de politique commune. À l'heure de la mondialisation, un conglomérat de monarchies et de néo-conservateurs joue de nos divisions pour mener le monde à sa guise en dehors de toute légitimité internationale. Je pense plus particulièrement à la dernière guerre du Golfe contre Saddam Hussein qui a provoqué le chaos que nous connaissons aujourd'hui au Moyen-Orient. Cette situation est détestable car le droit international n'est plus la règle.

Il est impératif, si nous ne voulons pas sombrer dans le choc des civilisations qui se profile à l'horizon, de redonner un second souffle à l'institution des Nations Unies. Cela passe par la réaffirmation de certains principes, comme la laïcité, la citoyenneté, la démocratie et la défense des libertés individuelles dans le respect de l'intérêt général. Cela passe aussi, à mon avis, par une restructuration du mode de financement de cette institution. Vous faites une  référence étymologique à "Melki-tsedek". Vous prenez bien soin de préciser que Tsedaka signifie 'principe de l'aumône.  Vous entendez ce principe dans son caractère le plus spirituel, et c'est tout à votre honneur. Mais la Tsedaka peut aussi se comprendre dans le sens d'une contribution financière pour établir la justice sociale. A l'échelle des Nations Unies, la Tsedaka pourrai se traduire par la mise en place d'une taxe sur les transactions financières internationales pour financer l'institution des Nations Unies.

Enfin, pour asseoir définitivement la crédibilité des Nations Unies, nous ne  pourrons éviter de la doter d'une armée véritablement opérationnelle avec une identité forte, constituée d'hommes et de femmes de toutes nationalités et de toutes religions – sorte de chevaliers Jedi des temps modernes.

Voilà ce que m'inspire le sacerdoce de Melchisédech. Pour finir, je dois admettre que mon cœur saignerait de toute son eau s'il fallait se persuader qu'Abraham n'était en réalité qu'une chimère numérique. Nous sommes tous appelés à franchir les murs protecteurs de la cité pour remettre nos vies au bon vouloir du Tout-Puissant car il est dit "qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera" (Matthieu XVI, 25).

Cordialement,

Jean-Pierre Schmit

 

 


Questions de Dominique Achard du 17/01/2014

 

Bonjour,

 

Oserais-je vous poser la question : êtes-vous historiens, chercheurs indépendants... avez vous une conception ésotérique du Temple? Croyez vous aux thèses gnostique? à la règle secrète de Roncelin? à la "charte" de Larménius?

 

 

Réponse du 02/02/2014

 

Pour répondre à vos questions :

 

  • Êtes-vous historien ou chercheur indépendant ?

 

Non, je ne suis pas historien. Ma formation initiale est bien plus modeste puisque je suis titulaire d'un CAP de dessinateur industriel en construction mécanique. Ma première formation a donc plus à avoir avec la géométrie qu'avec l'histoire. Cependant, grâce à ma femme qui faisait des études universitaires à Paris, j'ai pu participer à ses recherches et notamment à un DEA sur 'Image du théâtre en rond à la Renaissance. Sa directrice de mémoire était responsable du département iconographie à la Sorbonne Nouvelle. Nous n'avons pu poursuivre cette voie d'études faute de moyens pour financer sa thèse. Cependant l'étude des images pour étudier un sujet donné reste une précieuse expérience pour approcher un sujet aussi peu documenté que la religion du Temple. Je rentre donc résolument dans la case des chercheurs indépendants.

 

 

  • Avez-vous une conception ésotérique du Temple ?

 

Encore faudrait-il s’entendre sur le terme ésotérique. Au Moyen-Age de puissants ordres monastiques comme celui de Cluny ou de Cîteaux possédaient leur propre tradition symbolique. Dans ce monde très fermé des monastères, cet enseignement restait le privilège des moines. L'ordre du Temple constitué de moines soldats, a, à plusieurs niveaux, bénéficié du savoir des moines bénédictins et plus particulièrement de celui des moines de la Stricte Observance bénédictine. Pour ma part, je fais la distinction entre recherches symboliques qui amènent l'individu à légitimer son statut de citoyen grâce à une pleine connaissance des structures symboliques qui fondent la Cité, et l'ésotérisme, qui s'apparente plus à mes yeux à l'étude des sciences occultes, dont le seul but reste d'acquérir des pouvoirs surnaturels. Hélas, on ne peut nier que sous l'influence de l'Orient, certains templiers se soient laissés séduire par cet univers chimérique. Mais il faut tout de suite préciser qu'ils n'étaient pas plus nombreux chez les Templiers que dans beaucoup d'autres institutions religieuses du Moyen-Age. Pour être tout à fait juste avec l'ordre du Temple, on doit aussi considérer que la plus grande partie du peuple templier est restée éloignée de ces préoccupations qui concerneront en général des chevaliers de noble extraction qui avaient déjà reçu les leçons du trivium et du quadrivium.

 

 

  • Croyez-vous aux thèses gnostiques ?

 

La gnose est une religion à part entière, avec ses dogmes et ses croyances. Personnellement, je suis attaché à la foi révélée et l'univers de la gnose m'est étranger. Je crois profondément que la rédemption vient du monde d'ici-bas et en tant que démocrate j'attends tout de mes contemporains. C'est aussi pour cette raison que j'ai salué l'effort des chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris qui ont cherché à enseigner au plus grand nombre une théologie qui avait le souci de faire cohabiter de manière cohérente recherches symbolique et foi révélée. Moines cisterciens et chanoines réguliers ont sans aucun doute cherché à faire cohabiter dans le même ciel le soleil et la lune pour notre propre salut.

 

  • Croyez-vous à la règle secrète de Roncelin ?

 

Dans sa longue déposition du 12 janvier 1311, le Templier Gérard de Caux raconte que Jacques de Molay, qu'il avait vu outre-mer, priait les frères qui détenaient des exemplaires de la Règle, des statuts et règlements de l'ordre, de les lui remettre ; il en détruisait certains en répartissait d'autres entre les anciens de l'ordre et en gardait pour lui ; il rendit cependant à Gérard de Caux un exemplaire du De laude novae militiae de Saint Bernard. Le frère Gérard de Caux rajouta : « Les anciens disaient que les maîtres Guillaume de Beaujeu et Thomas Bérard avaient agi de la même manière, et ils se rapportaient de l'un à 'autre que l'ordre n'avait pas fait son profit d'avoir en son sein des gens cultivés. » Ce passage est cité par Alain Demurger dans son ouvrage Jacques de Molay, Paris 2002 page 285. Pourquoi jeter au feu certaines règles de l'ordre sinon parce qu’elles paraissaient trop compromettantes pour la réputation de l'institution. Dans son étude sur la Règle secrète des templiers (les Templiers sont-ils coupables ? , 1957) l’historien René Gilles avait déjà décelé l'esprit de la gnose dans la règle rédigées par maître Roncelin.

 

En réalité, Roncelin de Fos n'est que la partie émergée de l'iceberg. Au Moyen-Age, et bien après la destruction de l'ordre des Templiers, s'était développé en Occident un cercle d'initiés à cette fameuse gnose. Réunis au sein d'une confrérie. Ils eurent une grande influence occulte sur la politique médiévale. Cette confrérie était la confrérie des Rois Mages, fondée en 1164 par Rainald von Dassel, archevêque de Cologne et chancelier de l'empereur germanique Frédéric Barberousse. Roncelin de Fos, maître du Temple en Provence, était un membre actif de cette confrérie. On se focalise beaucoup sur les Templiers mais en Provence, dans les réunions de la confrérie des Rois Mages, les dignitaires de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem étaient bien plus présents que les frères templiers. C'est d'ailleurs les frères de l’Hôpital qui hériteront des biens des Templiers et donc du fameux château de Montsalvage. Un petit groupe de Templiers était effectivement adepte de la religion gnostique.

 

Si on osait une comparaison, on pourrait les comparer aux membres de la loge P2 en Italie. La plupart des membres de l'obédience maçonnique en Italie ignorait tout des activités de cette loge, créée pendant la Guerre Froide pour lutter contre le communisme et soutenue en sous-main par les américains via la CIA. Au Moyen-Age, ce ne sont pas les américains mais l'empire germanique qui était à la manœuvre. La CIA de l'époque était cette fameuse confrérie des rois Mages, et ce n'était pas contre le communisme qu'on luttait alors mais plutôt contre le droit féodal franc incarné par le roi de France. Je pense que la Règle secrète des templiers rédigée par Roncelin de Fos est en grande partie le fruit d'une politique voulue par la confrérie des Rois Mages.

 

Cette confrérie fait aussi le lien entre Wolfram von Eschenbach et le mystérieux Kyot le Provençal que wolfram nous permet d'identifier par certains indices dans son ouvrage. De même, le livre du Graal dont il est question dans Parsival est un livre d'alchimie qui est consultable sur internet. A l'époque cet ouvrage d'alchimie très secret était considéré comme le livre du diable. L’ouvrage était le plus précieux que la confrérie des Rois Mages en Provence ait jamais possédé et il fut le support à de nombreuses expériences.

 

Tout le monde connaît grâce aux fresques de Benozzo Gozzoli (1459) la chapelle de la confrérie des Rois Mages dans le palais des Médicis à Florence. Ce qui est moins connu, c'est qu'en Provence on peut aussi admirer une salle qui servit de lieu de réunion à cette même confrérie. Cette salle, comme la chapelle du palais des Médicis, est recouverte de fresques mais en Provence ces fresques datent du XIII° siècle, ce qui n'est pas sans intérêt pour un iconographe amateur.

 

  • Croyez-vous à la « charte » de Larménius ?

 

Cette charte nous ramène tout droit à un certain Bernard Raymond Fabre-Palaprat, membre de la loge des chevaliers de la Croix – loge qui relevait du Grand Orient de France. Cette « charte » pose surtout le problème de la résurgence templière. Dans ce cas précis, on peut croire que Bonaparte se méfiant de la franc-maçonnerie jugée trop proche de la « perfide Albion », trouva opportun la création d'un ordre templier pour contre-carrer l'influence de cette dernière. L'ouvrage de C.H. Maillard de Chambure, Règle et statuts secrets des Templiers, publié à Paris en 1840, n'est pas inintéressant à ce propos. L’auteur évoque page 112 le Manuel des chevaliers de l'ordre des Temple publié à Paris en 1825. « Les Templiers exposent dans ce livre que lors de la dispersion des chevaliers après la sentence du concile de Vienne, deux d'entre eux, qui avaient abandonné la Règle, instituèrent en Écosse, avec Robert Bruce, la maçonnerie écossaise, source de tous les rituels maçonniques actuels. Marc Larmenius, qui avait succédé à Jacques de Molay, condamna ces sectaires et les déclara excommuniés » . Tout cela ressemble fort à une réécriture de l'histoire au début du XIX° siècle, dans un contexte de conflit qui oppose la France à l'Angleterre. Maillard de Chambure précise aussi au chapitre concernant la continuation moderne de l'ordre du Temple, page 111, que l'abbé Grégoire qui publia le premier la charte de Larmenius dans son ouvrage Histoire des Sectes Religieuses Paris, 1828, aurait reçu tous ses documents de l'ordre moderne - c'est-à-dire, et c'est moi qui le rajoute, des anciens membres de la loge des chevaliers de la Croix, dont le Vénérable était le docteur Philippe Ledru. Tout cela paraît un peu trop cousu de fil blanc pour qu'on prenne cette charte trop au sérieux. Maillard de Chambure qui semble croire à l'authenticité de cette charte avait été particulièrement impressionné de trouver dans les feuilles de garde du manuscrit parisien de la Règle du Temple trois lettres, « C,G,U », qu'il pensait être une des preuves d'un alphabet secret des Templiers. Cet alphabet secret faisait partie des documents que les chevaliers de la Croix avaient fait parvenir à l'abbé Grégoire qui les publia. Mais depuis, Simonetta Cerrini, dans son ouvrage La Révolution des Templiers, Perrin, 2007 page 219, a élucidé le mystère de « C,G,U » grâce à une lampe Wood. Et ces lettres n'ont rien à avoir avec un quelconque alphabet secret.

 

Pour conclure sur une note optimiste, on pourrait finir avec cette citation de l’Évangile :

« Il n'y a rien de caché qui ne sera révélé et rien d'occulte qui ne sera connu » ( Matthieu, X, 26)

 

Cordialement,

 

Jean-Pierre Schmit

 

Dominique Achard a publié cette interview ainsi que quelques-unes de mes réflexions sur Hugues de Payns dans son ouvrage Les Maîtres du Temple, Hugues de Payns. Editions de Neustrie, septembre 2014

 

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