La bible de Saint-Jean d'Acre

 roi Salomon

 

« Les proverbes de Salomon, fils de David, Roi d’Israël pour connaître la sagesse et la discipline, pour discerner les paroles d’intelligence, pour recevoir la discipline qui rend perspicace, la justice et le jugement et la droiture, pour donner aux inexpérimentés de la sagacité, au jeune homme de la connaissance et la capacité de réflexion.

Le sage écoutera et emmagasinera encore de l’instruction, et l’homme intelligent, c’est celui qui acquiert l’art de diriger, pour comprendre un proverbe et une sentence difficile, les paroles des sages et leurs énigmes.

La crainte de Yahvé est le commencement de la connaissance. La sagesse et la discipline, voilà ce qu’on méprisé les fous. »

(Proverbes I, 1-7)

 

Nous ne pouvons adhérer à la thèse de Daniel Weiss qui prétend que la bible de Saint-Jean d’Acre faisant partie du fonds de la bibliothèque de l’Arsenal à Paris aurait été réalisée sous l’égide du roi de France Saint Louis.

 

Cette bible n’a jamais fait partie des manuscrits entreposés par Saint Louis à la Sainte Chapelle à Paris.

 

La bible de Saint-Jean d’Acre provient d’un fonds privé, celui du marquis de Paulmy, et si elle se trouve aujourd’hui à la bibliothèque de l’Arsenal comme les manuscrits de la Sainte Chapelle, cela ne permet en aucun cas de faire le lien entre cette bible et le roi de France, Saint Louis.

 

Si la bible de Saint-Jean d’Acre a effectivement toutes les caractéristiques d’un ouvrage conçu pour la formation religieuse d’un roi, ce roi devait selon toutes probabilités être un roi de Jérusalem. Des recherches iconographiques très succinctes de notre part nous inclinent à penser que ce serait plutôt du côté des fils et petits-fils d’Henri de Poitiers-Antioche et d’Isabelle de Lusignan, qui porteront le titre de roi de Chypre et de Jérusalem, qu’il faille chercher les commanditaires de cette bible.

 

Hugues III de Chypre qui reprit à son compte les armes et le nom de sa mère, les Lusignan, fut roi de Chypre de 1267 à 1284, et roi de Jérusalem de 1268 à 1284. Son fils aîné, Jean Ier, ne régna qu’un an, de 1184 à 1185. C’est son frère Henri II de Lusignan qui devient roi de Chypre de 1185 à 1306 et de 1310 à 1324 et porte le titre de roi de Jérusalem de 1285 à 1324.

 

Pour notre part, nous remarquons que dans cette bible les soldats portent le plus souvent comme blason sur leur écu le lion rampant que l’on retrouve dans le blason des Lusignan. 

 

 

600px Armoiries Lusignan Chypre.svg

 

 

blason des Lusignan1

 

lusi

 

Ce blason figure aussi sur leur monnaie.

monnaie Lusignan

 

D’autre part, quand on compare la figure du roi Ninus dans le manuscrit de l’Histoire Ancienne jusqu’à César de la British Library de Londres, manuscrit daté de l’époque du roi de Jérusalem Henri II de Lusignan, avec la figure du roi Salomon dans la bible de Saint-Jean d’Acre on est frappé par la ressemblance du motif iconographique.

 

rois

 

L’esthétique byzantine de ces deux figures royales est indéniable avec ce vêtement traditionnel des empereurs byzantins composé de la couronne à pendentif et du loros, une longue bande de tissu brodé passant sur les épaules pour se croiser sur la poitrine.

 

Il est tentant d’admettre que ces deux figures provenant de deux manuscrits différents viennent du même scriptorium, surtout qu’il est assez rare pour des manuscrits écrits en français d’affirmer à ce point la culture byzantine. Le fait que la souche de cette dynastie des rois de Chypre et de Jérusalem soit issue de la cité d’Antioche, cité très imprégnée de la culture byzantine, pourrait très bien expliquer cet engouement pour la figure des empereurs byzantins dans un manuscrit en langue française.

 

Londres

 

On remarque aussi dans cette bible la place qui est faite à l’enseignement du roi Salomon dans la formation du futur roi de Jérusalem. Les Proverbes ont une place particulière, soulignée par la reproduction à trois reprises du roi Salomon transmettant sa sagesse. Dans ces trois figures sont aussi transmis au futur roi de Jérusalem les signes du pouvoir universel, en particulier celui du geste de bénédiction du Tout-Puissant.

  

le signe

 

 le geste est formé par l’index, le médius et l’auriculaire levés , l’annulaire courbé , joignant le bout du pouce.

benediction Tout Puissant

Ce geste de bénédiction se trouve dans la tradition byzantine comme on peut l’admirer dans la mosaïque de la basilique Sainte-Sophie à Constantinople.

 

Empress Zoe mosaic Hagia Sophia 

 

Comme l’exprime le « Zohar » : « Nul ne peut se soustraire à ma main », affirmation que manifestement le roi de Jérusalem a fait sienne.

 

Pour conclure, il apparaît que la thèse de M. Daniel Weiss concernant la bible de Saint-Jean d’Acre doit être sérieusement remise en question car l’enseignement de cette bible ne s’adresse pas à un roi de France mais bien à un roi de Jérusalem, ce que Saint Louis ne sera jamais.

 

 par Jean-Pierre SCHMIT

 

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