Sources

Lettre de Guigues 1er le Chartreux à Hugues de Payns

 

AU GRAND MAITRE DES TEMPLIERS

 

1. A nos seigneurs et amis très chers et vénérés dans le Christ, Hugues, prieur de la sainte milice, et tous ceux qui vivent sous son gouvernement, leurs serviteurs et amis, les frères de Chartreuse, souhaitent une complète victoire sur les ennemis spirituels et corporels de la religion chrétienne, et la paix dans le Christ Notre Seigneur.

2. Puisqu'à votre voyage de retour comme à celui d'aller, nous n'avons pu jouir des agréables conversations que nous aurait procurées votre présence, il nous a paru bon de nous entretenir du moins un peu avec vous par lettre. Nous ne saurions en vérité vous exhorter aux guerres matérielles et aux combats visibles; nous ne sommes pas non plus aptes à vous enflammer pour les luttes de l'esprit, notre occupation de chaque jour, mais nous désirons du moins vous avertir d'y songer. Il est vain en effet d'attaquer les ennemis extérieurs, si l'on ne domine pas d'abord ceux de l'intérieur. C'est une honte, une indignité, de vouloir commander à une armée quelconque, si nous ne nous soumettons en premier lieu nos propres corps. Qui supporterait notre prétention d'étendre notre domination au dehors sur de vastes territoires, alors que nous tolérons la dégradante servitude des vices dans de minuscules mottes de terre, c'est-à-dire dans nos corps? Faisons d'abord notre propre conquête, amis très chers, et nous pourrons ensuite combattre avec sécurité nos ennemis du dehors. Purifions nos âmes de leurs vices, et nous pourrons ensuite purger la terre des barbares.

3. Que le péché ne règne donc plus dans notre corps mortel de manière à nous plier à ses convoitises; ne faisons pas de nos membres des armes d'injustice au service du péché, mais offrons-nous à Dieu comme des vivants revenus de la mort et faisons de nos membres des armes de justice au service de Dieu . Et si la chair convoite indomptable contre l'esprit, que l'esprit convoite invincible contre la chair. «Car, dit l'Apôtre, il y a entre eux antagonisme, si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez . » Nous souhaiterions en effet, si cela se pouvait, être exempts de toute concupiscence. Mais si dans cette vie qui est toute épreuve, il ne peut en être ainsi tout à fait, ne soyons pas du moins esclaves de notre concupiscence. Ne pouvant y parvenir en nous appuyant sur nos propres forces, rendons-nous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force, et revêtons l'armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. « Car ce n'est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, est-il écrit au même endroit, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les régisseurs de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes », c'est-à-dire contre les vices et leurs instigateurs les démons. Si, comme David le demande, ces ennemis n'ont sur nous nul empire, alors nous serons irréprochables et purs des plus grands péchés.

4. Tenons-nous donc debout, avec la vérité pour ceinture, et pour chaussures le zèle à recevoir l'évangile de la paix; ayons toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel nous pourrons éteindre tous les traits enflammés du Mauvais; enfin, la tête couverte du casque du salut, ayons la main armée du glaive de l'esprit . Courons, non à l'aventure; combattons, sans frapper dans le vide; mais châtions notre corps et réduisons-le en servitude; car tel est l'état le mieux réglé de l'homme, ce vivant créé à l'image de Dieu que la chair soit au service de l’esprit, et l'esprit soumis au Créateur.

5. Dans cette guerre, chacun sera d'autant plus fort et jouira d'un triomphe d'autant plus glorieux sur la multitude de ses ennemis abattus sous la conduite et la protection de Dieu qu'il se sera efforcé en tout d'être le plus humble; et chacun à l'inverse sera d'autant plus faible et plus inconstant pour tout bien qu'il aura voulu être plus orgueilleux. « Car Dieu résiste aux orgueilleux » : point n'est donc besoin de chercher ailleurs un combattant pour les vaincre, puisque le Tout-Puissant lui-même est le guerrier qui leur résiste. N'est-ce pas contre eux que David a déclaré : « Dieu prend la défense des petits. » Et après en avoir fait lui-même l'expérience, il ajoutait : « Je me suis humilié et il m'a sauvé . » Servons-nous de cet exemple, si nous voulons bénéficier du même remède. Faisons ce qu'il fit, si nous désirons recevoir ce qu'il reçut; humilions-nous, et nous serons libérés de tous nos maux.

6. L'Apôtre a dit de notre Seigneur Jésus-Christ : « Ils'humilia lui-même, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix . » Ce ne fut pas en vain. Car, à cause de cela, « Dieu l'a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu'à ce nom de Jésus, tout genou fléchisse, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père ». Là encore, là surtout, prenons exemple, si nous brûlons d'ardeur pour la récompense. Faisons ce qu'il fit, afin de le suivre là où il nous a précédés. Suivons un chemin de Si grande humilité, afin de parvenir à la gloire du Père. Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé, comme en témoigne notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit, Dieu, aux siècles des siècles. Amen.

7. Que la toute-puissante miséricorde et la toute-puissance miséricordieuse de Dieu, dans les combats spirituels comme physiques, vous permettent toujours de combattre avec bonheur et de triompher avec gloire. Nous vous souhaitons le meilleur et que, dans les lieux saints que vous protégez, vous vous souveniez de nous, frères bien-aimés, excellents et distingués, dans vos prières. Nous vous avons envoyé ces lettres par deux messagers différents, de peur que, par quelque obstacle – et il n'en est rien – elles ne vous parviennent. Nous vous prions d'en informer tous les frères.

 

 

 


 


 

Lettre du roi de Jérusalem Baudoin II à Saint Bernard avant le 15 octobre 1126

 

Baudouin, roi de Jérusalem par la miséricorde de Jésus-Christ, prince d’Antioche, au vénérable père Bernard, demeurant au royaume de France, digne de toute vénération, abbé du monastère de Clairvaux, soumission à l’expression de sa volonté.


Les Frères Templiers, que le Seigneur a suscités pour la défense de cette Province et qu’il a préservés d’admirable façon, souhaitent obtenir la confirmation apostolique et avoir des normes de vie bien fixées. C’est pourquoi nous vous avons dépêché André et Gondemar, bien connus pour leurs exploits guerriers et l’antique origine de leur famille, afin qu’ils obtiennent du Pontife l’approbation de leur Ordre et inclinent son esprit à nous fournir des subsides et des secours contre les ennemis de la foi qui tous, d’un seul cœur, mus par une même pensée, se liguent pour supplanter et renverser notre royaume. Et comme je n’ignore pas le poids de votre intercession, tant auprès de Dieu qu’auprès de son Vicaire et des autres princes catholiques d’Europe, nous avons convenu de confier à votre sens de la diplomatie cette double affaire dont la résolution sera si bénéfique pour nous. Etablissez les constitutions des Templiers de sorte qu’ils ne soient pas en désaccord dans le vacarme et le tumulte de la guerre et qu’ils soient pour les princes chrétiens des renforts efficaces. Faites cela, afin que nous puissions voir de notre vivant la fin heureuse à ces combats.

Priez Dieu pour nous. Portez-vous bien.

Saint Bernard

lettre à Mélisende, reine de Jérusalem

 

L’an 1154

A sa très-chère fille en Jésus-Christ, Mélisende, reine de Jérusalem, Bernard, abbé de Clairvaux, grâces de miséricorde et de salut de la part de Dieu

1. Après avoir été habitué à recevoir souvent de vos lettres, je m'étonne que vous me négligiez tant à présent, car je n'ai pas oublié toutes les bontés que vous avez eues pour moi autrefois en bien des circonstances. Vous dirai-je qu'il m'est revenu je ne sais quels bruits fâcheux pour votre réputation, auxquels je n'ai pu croire, il est vrai; mais, fondés ou non, ils ne m'en ont pas moins peiné. Heureusement mon bon oncle André [de Montbard, sénéchal de l'ordre des Templiers], dont la parole est un oracle pour moi, me dit de vous, dans une de ses lettres, des choses bien meilleures que celles que propage la rumeur publique ; il me parle de votre conduite pacifique et modérée et me fait connaître le soin avec lequel vous vous entourez des conseils de gens habiles pour vous conduire et gouverner l’État. Il me dit que vous avez beaucoup d'estime et d'affection pour les chevaliers du Temple, que vous pourvoyez avec toute la prudence et la sagesse que Dieu nous a départies, au salut de votre royaume qu’assiègent une foule de dangers, et que vous recourez aux conseils et aux mesures les plus propres à vous faire atteindre ce but. C'est assurément ainsi que doit se conduire une femme forte, une humble veuve et une illustre reine; ne pensez pas que ce dernier titre ait rien à perdre à votre viduité volontaire ; au contraire, je crois que l'état de veuve ne vous fait pas moins d'honneur, surtout aux yeux des chrétiens, que votre dignité de reine. Vous tenez l'une de votre naissance, et vous n'êtes veuve que parce que vous avez la vertu de demeurer en cet état; la royauté est un héritage qui vous vient de vos aïeux, la viduité est un don du ciel: votre destinée vous a fait naître pour le trône, mais votre goût seul vous fait rester veuve. C'est pour vous un double honneur que ces deux titres, l'un selon le monde et l'autre selon la grâce; mais tous les deux vous viennent de Dieu. Si vous voulez savoir en quel honneur vous devez tenir la viduité, rappelez-vous les paroles de l'Apôtre qui disait: « Honorez les veuves, mais les véritables veuves (I Tim., V, 3). »

2. Le même Apôtre vous donne encore en bien des endroits le conseil salutaire de faire le bien « non-seulement devant Dieu, mais encore devant les hommes (II Cor., VIII, 21) : » devant Dieu en qualité de veuve, et devant les hommes à titre de reine. Ne perdez jamais de vue cette pensée, c'est que les actions d'une reine, bonnes on mauvaises, ne peuvent demeurer cachées, car les rois sont placés sur le chandelier précisément pour être exposés aux regards des hommes. Quant aux veuves, rappelez-vous que, déchargées du soin de plaire à leurs maris, elles ne doivent plus songer qu'à se rendre agréables à Dieu. Quel bonheur pour vous si vous abritez votre conscience à l'ombre du Sauveur, si vous en faites le rempart avancé de votre honneur et de votre réputation ! quel bonheur, dis-je, pour vous, de vous abandonner tout entière à la conduite de Dieu comme une veuve qui n'a point d'autre consolateur ! Pour bien régner sur les autres, vous savez qu'il est nécessaire que Dieu règne entièrement sur vous. La reine de Saba vint entendre la sagesse (Matth., XII, 42) de Salomon, elle voulait aller à l'école d'un roi pour apprendre à gouverner ses propres sujets; or vous avez un maître plus grand que Salomon, puisque vous avez Jésus, et Jésus crucifié. Abandonnez-vous à sa conduite, apprenez à régner à son école: en qualité de veuve, retenez bien qu'il est doux et humble de cœur (Matth., XI. 29), et comme reine, songez qu'il jugera les pauvres en toute justice et se déclarera le vengeur des humbles qu'on opprime sur la terre (Isaï., XI, 4.). Ne séparez donc jamais dans votre esprit votre double titre de reine et de veuve, car si vous me permettez de vous dire ici toute ma pensée, vous ne sauriez faire une bonne reine si vous n'êtes une sainte veuve. Voulez-vous savoir à quelle marque on reconnaît la veuve chrétienne ? écoutez, c'est l'Apôtre qui nous l'apprend quand il nous dit: « Elle élève bien ses enfants, exerce l'hospitalité, lave les pieds des saints, console les affligés et fait toutes sortes de bonnes couvres (I Tim., V,10). » Estimez-vous bienheureuse si vous réunissez en vous tous ces traits de la véritable veuve, car vous ne pouvez manquer d'être bénie du Seigneur. Que le Dieu de Sion vous bénisse, Fille illustre dans le Seigneur et digne de tous mes respects! Vous voyez que je renouvelle le premier notre ancien commerce de lettres; j'espère bien que vous daignerez le continuer; vous avez maintenant un motif de m'écrire, vous n'auriez donc aucun prétexte à mettre en avant si désormais vous ne répondiez pas à mes avances par une fréquente et douce correspondance.

lettre CCLXXXIX, à la reine de Jérusalem

source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome01/lettres/254-301/lettre289.htm#_Toc53399553

 

la lettre des Templiers à tous les fidèles du Christ

  

lettre Jean de Terric

 

 Cette lettre est adressée par le frère templier Jean de Terric, commandeur de la terre du royaume de Jérusalem, à tous les dignitaires du Temple en Occident. Elle a été écrite peu après le désastre de Hattin, le 4 juillet 1187. Jean de Terric a fait partie des Templiers qui ont réussi à s'échapper pendant la bataille. Il semble s'être réfugié dans la cité de Tyr qui subira le siège de l'armée de Saladin. Le grand commandeur de la terre du royaume de Jérusalem est le trésorier de l'ordre, il a aussi la charge de répartir les frères dans chaque maison de l'ordre. Jean de Terric va envoyer une série de lettres sur le même modèle, en Occident, pour réclamer des secours et informer de l'évolution de la situation en Terre Sainte. Dans la première lettre de cette série, le grand commandeur nous informe que le port de Saint-Jean-d'Acre vient de tomber (10 juillet 1187), que Jérusalem est encore au mains des Francs et le dignitaire templier croit encore que le roi de Jérusalem a pu en réchapper. Dans l'exemplaire de la bibliothèque nationale de France reproduite ci-dessus (ms 6238), Jean de Terric nous informe que le roi et grand maître sont prisonniers, que l'armée de Saladin a pris Ascalon ( 5 septembre 1187) et Jérusalem ( 2 octobre 1187 ). Dans une autre lettre adressée au roi d'Angleterre envoyée entre janvier 1188 et novembre 1188, Jean de Terric nous informe que la cité de Tyr est libérée grâce à l'intervention du marquis Conrad de Montferrat et que le château de Safed résiste encore. Voir: http://www.templum-aeternum.net/articles/histoire/lettre-des-templiers-aux-fideles.html

 

 

"Frère Terric, grand précepteur de la pauvre Maison du Temple, presque anéantie, à tous les Précepteurs, à tous nos Frères et Sujets, Salut en celui qui seul mérite nos soupirs, à qui le soleil et la lune obéissent: la main du Seigneur s’est appesantie sur nous, nos très-chers Frères, et les maux dont le Ciel justement irrité nous afflige, sont à un point, que nous n’avons ni termes assez forts pour les exprimer, ni larmes assez cuisantes pour les déplorer. Un corps formidable de Turcomans, campé devant Tibériade, en avait déjà pris la ville, et allait s’emparer du château, lorsque nous étant mis en marche pour arrêter les progrès de Saladin, il sortit de son camp, nous prévint, et nous engagea dans des détroits où l'Armée Chrétienne a été entiérement défaite.   Nous avons perdu, à cette malheureuse affaire, deux cent trente de nos Chevaliers, qui ont eu la tête tranchée, sans compter ceux qui ont péri dans une autre action, au nombre de soixante (bataille de la Fontaine-Cresson, 1er mai 1187). A peine le Roi, quelques Barons et moi, avons-nous pu échapper à la fureur du Soldat turc. Toujours plus altéré de sang chrétien, il vient de prendre Acre, il bat actuellement Tyr, en sorte qu’il ne nous reste plus que Jérusalem, Baruth, avec deux ou trois autres places sans garnison. Ils sont en si grand nombre, que depuis Tyr jusqu’à Jérusalem et Gaza, ils ont comme inondé et couvert la surface du pays. C’en est fait, tout est perdu, si le ciel ne nous aide, et si vous tardez à nous secourir, il est impossible de nous maintenir ici plus longtemps."  Claude le jeune Mansuet; Histoire critique et apologétique de l'ordre des chevaliers du temple de Jérusalem; chez Guillot, à Paris, 1789. tome 1 ,page 155.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint Bernard

lettre à son oncle André de Montbard, chevalier du Temple

 

l. J'étais malade au lit quand on me remit votre dernière lettre; je ne saurais vous dire avec quel empressement je la reçus, avec quel bonheur je la lus et relus; mais combien plus aurais-je été heureux de vous voir vous-même! Vous me témoignez le même désir, en me disant les craintes que vous inspirent l'état du pays que le Seigneur a honoré de sa présence, ainsi que les dangers qui menacent une ville arrosée de son sang. Oh! malheur à nos princes chrétiens! ils n'ont rien fait de bon dans la terre sainte, et ils ne se sont hâtés de revenir chez eux que pour se livrer à toutes sortes de désordres, insensibles à l'oppression de Joseph. Impuissants pour le bien, ils ne sont, hélas! que trop puissants pour le mal. Pourtant j'espère que le Seigneur ne rejettera pas son peuple et n'abandonnera pas son héritage à la merci de ses ennemis; son bras est assez puissant pour le secourir et sa main toujours riche en merveilles; l'univers reconnaîtra qu'il vaut mieux encore mettre sa confiance en Dieu que dans les princes de la terre. Vous avez bien raison de vous comparer à une fourmi; que sommes-nous autre chose avec toute la peine et la fatigue que, pauvres humains, nous nous donnons pour des choses inutiles ou vaines? Qu'est-ce que l'homme retire de tant de peines et de travaux à la face du soleil? Portons nos visées dans les cieux, et que notre âme aille par avance là où notre corps doit la suivre un jour. C'est ce que vous faites, mon cher André, c'est là que sont le fruit et la récompense de vos travaux. Celui que vous servez sous le soleil habite plus haut que les cieux, et si le champ de bataille est ici-bas, la récompense du vainqueur est là-haut; car ce n'est point sur cette terre qu'il faut chercher le prix de la victoire, il est plus haut que cela et la valeur en est supérieure à tout ce qui se rencontre dans les bornes de cet univers. Il n'y, a sous le soleil qu'indigence et pauvreté, là-haut seulement nous serons dans l'abondance et nous recevrons une mesure pleine, foulée, enfaîtée et surabondante due le Seigneur versera dans notre sein (Luc., VI, 38).

2. Vous avez le plus grand désir de me voir, et vous ajoutez qu'il ne dépend que de moi que vous ayez ce bonheur, que je n'ai qu'un mot à dire pour que vous arriviez. Que vous dirai-je? Je désire vous voir, mais j'ai peur en même temps que vous ne veniez s dans cette perplexité, je ne sais à quel parti m'arrêter. Si d'un côté je me sens porté à satisfaire votre désir et le mien, de l'autre je crains de vous enlever à un pays où, dit-on, votre présence est en ne peut plus nécessaire, et qui se trouverait par votre absence exposé aux plus grands périls. Je n'ose donc vous montrer le désir de mon âme, et pourtant combien serais-je heureux de vous revoir avant de mourir! Vous êtes mieux en position que moi de voir et de juger si vous pouvez quitter ce pays sans inconvénient pour lui et sans scandale pour personne. Peut-être votre voyage en nos contrées ne serait-il pas inutile et il se pourrait, avec la grâce de Dieu, que vous ne retournassiez pas seul en Palestine; vous êtes connu et aimé par ici et il ne manque pas de gens qui se mettraient avec vous au service de l’Église. En ce cas vous pourriez vous écrier avec le saint patriarche Jacob : « J'étais seul quand je passai le Jourdain, et maintenant je le repasse escorté de trois troupes (Gen., XXXIII, 10). » En tout cas, si vous devez venir me voir, que ce soit plus tôt que plus tard, de peur que vous ne trouviez plus personne, car je m'affaiblis beaucoup et je ne crois pas que mon pèlerinage se continue désormais bien longtemps sur la terre. Dieu veuille que j'aie la consolation de jouir de votre douce et aimable présence au moins pendant quelques instants avant que je m'en aille de ce monde! J'ai écrit à la reine dans les termes que vous souhaitez, et je suis très-heureux de l'éloge que vous me faites de sa personne. Saluez de ma part votre grand maître et vos confrères, les chevaliers du Temple, ainsi que ceux de l'hôpital, comme je vous salue vous-même. Je vous prie de me recommander, à l'occasion, aux prières des reclus et des religieux qui m'ont fait saluer par vous. Veuillez être mon interprète auprès d'eux. Je salue aussi de toute l'affection de mon âme notre cher Girard (a) qui a demeuré quelque temps parmi nous et qui, dit-on, est maintenant évêque.


lettre CCLXXXVIII, son oncle André, chevalier du Temple

source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome01/lettres/254-301/lettre283.htm#_Toc53399360

LETTRE CCLXXXVIII. SON ONCLE ANDRÉ, CHEVALIER DU TEMPLE

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