Documents

Chronique de Guillaume de Tyr sur les débuts de l'ordre des Templiers

 Capture dcran 2024 04 04 201646

Guillaume de Tyr, Chronicon, collection des Mémoires de l'histoire de France, par M. GUIZOT, Paris, 1824; pp. 202-205

 

Tyr1 2

Tyr3 4

Chronique de Jacques de Vitry sur les débuts de l'ordre des Templiers

 Capture dcran 2024 04 04 201646

Jacques de Vitry,  Historia Orientalis, Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France par M. GUIZOT, Paris, 1825, pp. 118-123

Source gallica.BnF.fr

 Vitry 1 

Vitry 2 Vitry 3 Vitry 4 Vitry 5 
Vitry 6b

Chronique de Michel le Syrien sur les débuts de l'Ordre des Templiers

 

Capture dcran 2024 04 04 201646

Chronique de Michel le Syrien, patriarche jacobite d'Antioche (1166-1199)

traduit par J-B CHABOT, Paris 1905

Livre XV, chapitre 11, pp 201-203

 

Histoire des Phrer « frères » francs. — Au commencement du règne de Baudoin II, un homme franc vint de Rome pour prier à Jérusalem. Il avait fait vœu de ne plus retourner dans son pays, mais de se faire moine, après avoir aidé le roi à la guerre pendant trois ans, lui et les 30 cavaliers qui l'accompagnaient, et de terminer leur vie à Jérusalem. Quand le roi et ses grands virent qu'ils s'étaient illustrés à la guerre, et avaient été utiles à la ville parleur service de ces trois années, ils conseillèrent à cet homme de servir dans la milice, avec ceux qui s'étaient attachés à lui, au lieu de se faire moine, pour travailler à sauver son âme seule, et de garder ces lieux contre les voleurs.

 

Or, cet homme, dont le nom était Hou[g] de Payn, accepta ce conseil ; les trente cavaliers qui l'accompagnaient se joignirent et s'unirent à lui. Le roi leur donna la Maison de Salomon pour leur habitation, et des villages pour leur subsistance. De même, le patriarche leur donna quelques-uns des villages de l’Église.

 

Pour eux, ils s'imposèrent la règle de vivre monastiquement, ne prenant pas de femme, n'entrant point au bain, ne possédant absolument rien en propre, mais mettant en commun toutes leurs possessions. Par des mœurs semblables, ils commencèrent à s'illustrer : leur réputation se répandit en tous pays, au point que des princes royaux, des rois, des grands et des humbles venaient et s'unissaient à eux dans cette fraternité spirituelle; et quiconque devenait frère avec eux, donnait à la communauté tout ce qu'il possédait : soit villages, soit villes, soit toute autre chose. Ils se multiplièrent, se développèrent et se trouvèrent posséder des pays, non seulement dans la contrée de Palestine, mais surtout dans les contrées éloignées d'Italie et de Rome.

 

Leurs usages et leur règle sont écrits. Et quiconque vient pour être frère parmi eux, est éprouvé pendant un an. On lui lit les règles par sept fois, et à chaque fois on lui dit : « Vois; peut-être as-tu du regret? Peut-être ne pourras-tu pas supporter jusqu'au bout ces règles? Loue Dieu, et retourne à ta maison ». A la fin de l'année, sur celui qui accepte et promet de porter le joug, ils récitent des prières et le revêtent de leur habit. Et après cela, celui qui manque à sa promesse meurt par le glaive, sans miséricorde ni pitié.

 

Leur usage est celui-ci. Il n'est permis à personne de posséder en propre, soit maison, soit argent, soit biens quelconques ; ni de s'absenter sans la permission du supérieur; ni de dormir ailleurs que dans leurs maisons; ni de manger le pain à la table du vulgaire; ni, quand on reçoit l'ordre d'aller quelque part pour y mourir, de dire : « Je n'irai pas ». Mais on doit, comme on l'a promis, travailler avec foi dans ce ministère, jusqu'à la mort.

 

Quand quelqu'un meurt, ils font célébrer pour lui 40 messes; ils nourrissent les pauvres, pour lui, pendant 40 jours et 40 personnes chaque jour ; et ils font mémoire de lui à l'oblation du sacrifice dans leurs églises, à perpétuité ; ils considèrent comme des martyrs ceux qui meurent dans les combats. Si on reconnaît que quelqu'un a caché quelque chose à la communauté, ou si on trouve qu'il possédait en mourant quelque chose qu'il n'avait pas donné à la communauté, ils ne le jugent pas digne de sépulture.

 

Leur vêtement est un habit blanc très simple, et en dehors de lui, ils n'en peuvent revêtir d'autre. Quand ils dorment, ils n'ont pas la permission de quitter leur habit, ni de déceindre leurs reins.

Leur nourriture est ainsi (réglée) : le dimanche, le mardi et le jeudi, ils mangent de la viande, et les autres jours, du lait, des œufs et du fromage. Les prêtres seuls qui officient dans leurs églises boivent du vin chaque jour, avec le pain, ainsi que les soldats, c'est-à-dire les cavaliers pendant leurs exercices, et les piétons dans les combats. Les ouvriers travaillent chacun à son métier, et de même les ouvriers des champs; dans toute ville ou village où ils ont une maison, il y a un chef et un économe, et, sur leur ordre, tous ceux qui s'y trouvent travaillent chacun à son ouvrage.

 

Le supérieur général de tous est à Jérusalem : il commande à tous, et il n'est jamais permis à aucun d'eux de faire quelque chose de personnel. Sur tout ce qui rentre des récoltes de froment, de vin, etc., ils distribuent aux pauvres un dixième; toutes les fois qu'on cuit le pain dans une de leurs maisons, on en réserve un sur dix pour les pauvres. Les jours où on dresse la table et où les frères mangent le pain, tout ce qui reste est donné aux pauvres. Deux fois par semaine, ils distribuent spécialement aux pauvres du pain et du vin.

Bien que leur institution primitive fût en vue des pèlerins qui venaient prier, pour les escorter sur les routes, cependant, par la suite, ils allaient avec les rois à la guerre contre les Turcs. Ils se multiplièrent au point d'être 100 mille. Ils possédèrent des forteresses et bâtirent eux-mêmes des places fortes dans tous les pays de la domination des Chrétiens. Leur richesse se multiplia en or et en choses de toute sorte, en armures de toute espèce, en troupeaux de moutons, de bœufs, de cochons, de chameaux, de chevaux, au delà de celle de tous les rois. Et cependant ils étaient tous pauvres et détachés de tout. Ils sont familiers et charitables pour tous ceux qui adorent la Croix. Ils fondèrent dans tous leurs pays, et surtout à Jérusalem, des hôpitaux, de sorte que tout étranger qui tombe malade y trouve place; ils le servent et prennent soin de lui jusqu'à ce qu'il soit guéri, et alors ils lui donnent un viatique et le renvoient en paix, ou bien, s'il meurt, ils prennent soin de sa sépulture. — Fin.

Chronique d'Ernoul sur les débuts de l'ordre des Templiers

 

Capture dcran 2024 04 04 201646

Chronique d'Ernoul et de Bernard le Trésorier traduit par M. L. de MAS LATRIE, Paris, Librairie de la société d'Histoire de France, 1871; pp. 7-9

disponible sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29427p

 

 

Chronique Ernoul

 

Carta Caritatis Prior

d'Etienne Harding

(approuvé par le pape Calixte II le 23 décembre 1119)


Les fondateurs de Cîteaux : Robert de Molesme, Aubry et Étienne Harding vénérant la Vierge Marie; source: Wikipedia



Prologue

2 Avant que les abbayes cisterciennes ne commencent à fleurir, le seigneur abbé Étienne et ses frères décidèrent qu’en aucune manière des abbayes ne seraient érigées dans le diocèse de quelque évêque avant que ce dernier n’ait approuvé et confirmé le décret élaboré et confirmé par la communauté de Cîteaux et les autres communautés issues d’elle: ceci en vue d’éviter tout heurt entre l’évêque et les moines.

3 Et donc, dans ce décret, les frères précités, voulant prévenir un naufrage éventuel de la paix mutuelle, mirent au clair, statuèrent et transmirent à leurs descendants par quel pacte d’amitié, par quel mode de vie, ou plutôt par quelle charité souder indissolublement par l’esprit leurs moines corporellement dispersés dans les abbayes en divers endroits de la région. 4 Ils estimaient également que ce décret devait porter le nom de Charte de charité parce que sa teneur, rejetant le fardeau de toute redevance matérielle, poursuit uniquement la charité et l’utilité des âmes dans les choses divines et humaines.



Table des chapitres

2 L'église mère ne réclamera de sa fille aucune contribution d'ordre matériel (chap I).

3 La Règle sera comprise et observée par tous d'une seule manière (chap.II)

4 Tous auront les mêmes livres liturgiques et les mêmes coutumes (chap. III)

5 Statut général réglant les relations entre abbayes (chap. IV)

6 Visite annuelle de l'église mère à sa fille (chap. V)

7 Déférence à témoigner à l'église fille qui visite l'église mère (chap. VI)

8 Chapitre général des abbés à Cîteaux (chap. VII)

9 Statut réglant les relations entre les monastères issus de Cîteaux et leurs fondations. Obligation faite à tous de venir au chapitre général. Demande de pardon et pénitence de ceux qui ne viennent pas (chap. VIII)

10 Des abbés qui mépriseraient la Règle ou les statuts de l'Ordre (chap. IX)

11 Loi réglant les rapports entre abbayes sans lien de filiation (chap. X)

12 Mort et élection des abbés (chap. XI)

 

 

Chapitre I

L’Église-mère ne réclamera de sa fille aucune contribution d’ordre matériel

2 Parce que nous nous reconnaissons tous comme les serviteurs, bien qu’inutiles, du seul vrai Roi, Seigneur et Maître, pour cela nous n’imposons aucune contribution, que ce soit sous forme d’avantage matériel ou de biens temporels aux abbés qui sont aussi nos frères dans la vie monastique et que la bonté de Dieu a établis en différents lieux sous la discipline régulière par notre ministère à nous, le dernier des hommes.

3 Désirant en effet leur être utile, ainsi qu’à tous les fils de la sainte Église, nous arrêtons que nous ne voulons rien faire à leur endroit qui les accable, rien qui diminue leur avoir, de peur qu’en désirant pour nous une abondance dont leur pauvreté ferait les frais, nous ne puissions éviter le vice de l’avarice qui, selon l’Apôtre, est dénoncé comme un culte idolâtrique.

[Sollicitude en cas de déviation]

4 Cependant, en considération de la charité, nous entendons garder le soin de leurs âmes, afin que, par notre sollicitude, ils puissent revenir à la rectitude de vie au cas où, à Dieu ne plaise, ils auraient osé s’écarter, si peu que ce soit, de leur saint projet de vie et de l’observance de la sainte Règle.



Chapitre II

La Règle sera comprise et observée par tous d’une seule manière

2 Et telle est maintenant notre volonté: nous leur enjoignons d’observer en tout la Règle du bienheureux Benoît telle qu’elle est observée au Nouveau Monastère, de ne pas introduire dans l’interprétation de la sainte Règle un sens différent. Comme nos prédécesseurs, nos saints Pères, à savoir les moines du Nouveau Monastère, l’ont comprise et observée, et comme nous la comprenons et observons aujourd’hui, ainsi eux-mêmes la comprendront et l’observeront.

 

Chapitre III

Tous auront les mêmes livres liturgiques et les mêmes coutumes

2 Et puisque nous accueillons dans notre cloître tous leurs moines qui viennent à nous, et qu’eux-mêmes, de la même manière, accueillent les nôtres dans leurs cloîtres, il nous semble opportun, - et c’est aussi notre volonté, – qu’ils aient le mode de vie, le chant et tous les livres nécessaires aux heures diurnes et nocturnes ainsi qu’aux messes, conformes au mode de vie et aux livres du Nouveau Monastère, de sorte qu’il n’y ait aucune discordance dans nos actes, mais que nous vivions dans une seule charité, sous une seule Règle et selon un mode de vie semblable.



Chapitre IV

Statut général réglant les relations entre abbayes

2 Quand l’abbé du Nouveau Monastère viendra dans l’une de ces communautés pour y faire la visite, l’abbé local lui cédera le pas en tous lieux du monastère, pour reconnaître par là que l’Église du Nouveau Monastère est la mère de la sienne. Et l’abbé visiteur occupera la place de l’abbé local durant tout son séjour, sauf qu’il prendra ses repas, non pas à l’hôtellerie, mais au réfectoire avec les frères, pour le maintien de la discipline, à moins que l’abbé local ne soit absent.

3 Tous les abbés de notre Ordre se comporteront de la même manière quand ils sont de passage. Si plusieurs abbés surviennent en l’absence de l’abbé local, le plus ancien d’entre eux mangera à l’hôtellerie.

4 Une exception: la bénédiction de ses novices après la probation régulière revient à l’abbé local, en présence d’un abbé plus digne.

[Pouvoirs de l’abbé visiteur]

5 En outre, l’abbé du Nouveau Monastère prendra garde, en ce qui concerne les biens du lieu qu’il vient visiter, de ne rien entreprendre, traiter ni régler, et de ne pas s’en occuper contre la volonté de l’abbé et des frères.

6 Par contre, s’il se rend compte que les préceptes de la Règle ou de notre Ordre sont violés en ce lieu, prenant l’avis de l’abbé présent, il s’appliquera à corriger avec charité. En l’absence de l’abbé local, il corrigera néanmoins ce qu’il aura trouvé de répréhensible.



Chapitre V

Visite annuelle de l’Église-mère à sa fille

2 Une fois l’an, l’abbé de l’Église-mère visitera toutes les communautés qu’il aura fondées. S’il les visite plus fréquemment, les frères y trouveront un surplus de joie.



Chapitre VI

Déférence à témoigner à l’Église-fille qui visite l’Église-mère

2 Lorsqu’un abbé de ces Églises vient au Nouveau Monastère, on lui témoignera la déférence qui convient . Il occupera la stalle de l’ abbé, il recevra les hôtes et mangera avec eux seulement si l’abbé est absent.

Si, au contraire, l’abbé est présent, il ne fera rien de cela mais il mangera au réfectoire, et ce sera le prieur local qui réglera les affaires de la communauté.



Chapitre VII

Chapitre général des abbés à Cîteaux

2a Tous les abbés de ces Églises viendront une fois par an au Nouveau Monastère, au jour qu’ils conviendront entre eux,

2b ils y traiteront du salut de leurs âmes: ils décideront de ce qui doit être redressé ou ajouté dans l’observance de la sainte Règle et des prescriptions de l’Ordre; ils rétabliront le bien de la paix et de la charité mutuelle.

[Coulpes des abbés au chapitre général]

3 Si un abbé est reconnu moins zélé pour la Règle ou trop absorbé par les affaires du monde, ou vicieux en quelque domaine, il y sera proclamé avec charité. Proclamé, il demandera pardon et fera la pénitence infligée pour sa faute. Mais seuls les abbés feront semblable proclamation.

[Aide matérielle apportée aux abbayes dans le besoin]

4 Si l’une ou l’autre Église tombe dans une pauvreté intolérable, l’abbé de cette communauté s’appliquera à exposer cette situation en présence de tout le chapitre. Alors, tous les abbés, enflammés du feu très ardent de la charité, se hâteront, chacun selon ses possibilités, de subvenir à la pénurie de cette Église avec les ressources que Dieu leur a départies.



Chapitre VIII

Statut réglant les relations entre les monastères issus de Cîteaux
et leurs fondations.

Obligation faite à tous de venir au chapitre général.
Demande de pardon et pénitence de ceux qui ne viennent pas

2a Quand, par la grâce de Dieu, une de nos Églises se sera développée au point de pouvoir fonder un autre monastère, ces deux Églises, elles aussi, observeront entre elles la réglementation que nous observons nous-mêmes avec nos confrères de nos fondations,

2b Nous voulons cependant, et nous nous réservons ceci: tous les abbés de toutes les régions, au jour qu’ils auront convenu entre eux, se rendront au Nouveau Monastère et y obéiront en tout à l’abbé de ce lieu et à son chapitre en ce qui concerne le redressement des déviations et l’observance de la sainte Règle et des prescriptions de l’Ordre.

3 Ils ne tiendront quant à eux aucun chapitre annuel avec les Églises qu’ils auront fondées.

[Obligation du chapitre annuel à Cîteaux]

4 Mais si une raison de santé ou une profession de novices vient à empêcher un de nos abbés de se rendre, le jour convenu, au lieu prévu pour notre rencontre, il y enverra son prieur avec mission d’exposer au chapitre la raison de son absence et, à son retour, de lui rapporter à lui et aux frères de la maison ce que nous aurions arrêté ou modifié.

5 Si, en toute autre circonstance, quelqu’un a, un jour, la témérité de se dispenser de notre chapitre général, il demandera pardon de sa faute au chapitre de l’année suivante, et il subira la peine de la coulpe légère, pour la durée que jugera le président du chapitre.



Chapitre IX
Des abbés qui mépriseraient la Règle ou les statuts de l'Ordre

[Déposition d'un abbé]

2a Si un abbé se montre méprisant pour la sainte Règle ou pour notre Ordre ou consentant aux vices des frères qui lui sont confiés, l’abbé du Nouveau Monastère , par lui-même ou par le prieur de sa communauté, ou par lettre, s’efforcera par quatre fois de l’avertir qu’il a à se corriger.

S’il répond par le mépris, 2b alors, l’abbé de l’Église-mère veillera à faire connaître son égarement à l’évêque dans le diocèse duquel il réside, et aux chanoines de son Église. Ceux-ci le convoqueront et débattront soigneusement son affaire avec l’abbé précité: ils le corrigeront ou, s’il se révèle incorrigible, ils le démettront de sa charge pastorale.

3a Mais si l’évêque et son clergé n’attachent guère d’importance à la violation de la sainte Règle dans cette communauté et refusent de déposer ou de corriger cet abbé, 3b alors, l’abbé du Nouveau Monastère et quelques abbés de notre Ordre qu’il prendra avec lui, se rendront dans cette communauté et relèveront de sa charge le transgresseur de la sainte Règle.

Les moines de ce lieu, en présence des abbés et après avoir entendu leur avis, se choisiront un autre abbé qui soit digne.

[Mesure contre les récalcitrants]

4a Si l’abbé et les moines de l’Église du lieu méprisent les abbés qui viennent à eux et refusent de se corriger à leur injonction, alors ils seront frappés d’excommunication par les personnes présentes.

[Accueil des frères venus à résipiscence]

4b Si, dans la suite, l’un de ces égarés, faisant retour en lui-même, veut éviter la mort de son âme et, avec le désir d’améliorer sa vie, se rend à sa maison-mère, c’est-à-dire au Nouveau Monastère, pour y habiter, il sera reçu comme un moine fils de cette Église.

[Unique cas de transfert]

5 En dehors de cette circonstance, qui doit être évitée soigneusement par nos confrères, nous ne recevons à demeure aucun moine de nos Églises sans le consentement de leur abbé. En effet, ces abbés ne reçoivent pas à demeure les nôtres. Nous n’introduisons pas à demeure nos moines dans leur Église contre le gré de ces abbés, pas plus qu’eux n’introduisent les leurs dans la nôtre.

[Correction de l’abbé de Cîteaux]

6 Si cependant les abbés de nos Églises voient leur mère, à savoir le Nouveau Monastère, commencer à se relâcher dans la poursuite du saint projet de vie et à dévier de la voie toute droite (de l’observance) de la sainte Règle ou des prescriptions de notre Ordre, agissant au nom de tous les autres abbés, ils avertiront quatre fois l’abbé de ce même lieu par l’entremise de ses trois confrères dans l’abbatiat, à savoir ceux de La Ferté, de Pontigny, de Clairvaux, qu’il a à se corriger. Ils exécuteront à son endroit avec zèle tout ce que nous avons décrété de faire au sujet des autres abbés qui se seraient écartés de la Règle, à l’exception de ceci: s’il se retire, ils ne le remplaceront pas eux-mêmes par un autre; s’il résiste, ils ne fulmineront pas l’anathème contre lui.

7 Car s’il n’accepte pas leur avertissement, sans attendre ils notifieront sa rébellion à l’évêque et aux chanoines de l’Église de Chalon, les priant de le faire comparaître, et, après l’exposé du chef d’accusation, ou bien de le réprimander sérieusement, ou bien, s’il se montre incorrigible, de le démettre de sa charge à pastorale. 8 Après sa déposition, les frères du même lieu enverront trois messagers, ou autant qu’il leur plaira, aux abbayes directement fondées par le Nouveau Monastère, et, dans les quinze jours, ils convoqueront autant d’abbés qu’ils pourront. Avec leur avis et leur aide, ils se choisiront l’abbé voulu de Dieu. 9 Quant au seigneur abbé de La Ferté, il dirigera entre-temps cette Église, jusqu’à ce qu’elle soit rendue, par la miséricorde de Dieu, au même pasteur revenu de son erreur, ou bien régulièrement soumise à un autre, élu à la place du précédent. l0a Si, par contre, l’évêque et le clergé de ladite ville négligent de juger le transgresseur de la manière que nous avons dite, l0b alors, tous les abbés issus directement du Nouveau Monastère se rendront au lieu de la transgression, démettront de sa charge le transgresseur de la sainte Règle et, de suite, les moines de cette Église, en présence des abbés et après avoir entendu leur avis mettront à leur tête un abbé.

[Excommunication en cas de révolte contre la déposition de l’abbé de Cîteaux]

11 Si cet abbé et ses moines refusent de recevoir nos abbés et de leur obéir, ceux-ci ne craindront pas de les frapper du glaive de l’excommunication. et de les retrancher du corps de l’Église catholique.

[Résipiscence de l’abbé et des moines de Cîteaux]

12 Si plus tard, l’un des rebelles, venant enfin à résipiscence, désire sauver son âme et se réfugie en l’une de nos trois Églises, soit La Ferté, Pontigny, Clairvaux, il y sera reçu comme quelqu’un de la maison et cohéritier de l’Église, jusqu’à ce qu’il soit rendu, un jour, à son Église propre, comme il est juste, quand elle aura été réconciliée. Mais entre-temps, le chapitre annuel des abbés ne se tiendra pas au Nouveau Monastère , mais au lieu prévu par les trois abbés précités.



Chapitre X

Loi réglant les rapports entre abbayes sans lien de filiation

[Accueil d’abbés d’autres filiations]

2 Entre les abbayes sans lien de filiation, voici la loi. Tout abbé, en tous lieux de son monastère, cédera la place à un abbé de passage, afin d’accomplir la parole: «Prévenez-vous mutuellement d’honneurs». Si deux ou plusieurs abbés surviennent ensemble, le plus ancien des arrivants occupera la première place.

3a Tous cependant mangeront au réfectoire, comme nous l’avons dit plus haut, sauf l’abbé local. Mais partout ailleurs où ils se réuniront, les abbés prendront rang selon l’ancienneté de leur abbaye, en sorte que l’abbé de l’Église la plus ancienne sera le premier, 3b sauf si l’un d’eux est revêtu de l’aube: dans ce cas, il se tiendra le premier avant tous les autres dans le choeur gauche et il remplira en tout la fonction de président, même s’il est le plus jeune de tous.

3c Mais partout où ils s’assiéront ensemble, ils s’inclineront les uns devant les autres.

 

 

Chapitre XI.

Mort et élection des abbés

[Élection de l’abbé de Cîteaux]

2 Au décès de leur père, les frères du Nouveau Monastère enverront aux abbés trois messagers comme nous l’avons dit plus haut, ou davantage s’ils le désirent, et ils réuniront autant d’abbés qu’il est possible de le faire en quinze jours, et avec leur accord unanime, ils se donneront le pasteur prévu par Dieu.

[Administration de Cîteaux durant la vacance]

3 Entre-temps, c’est le seigneur abbé de La Ferté, comme nous l’avons dit précédemment à propos d’une autre affaire, qui tiendra en tout la place de l’abbé défunt jusqu’à l’élection d’un autre abbé qui, avec l’aide de Dieu, recevra le siège et assumera la charge de ce lieu.

[Vacance de la charge abbatiale et préparation de l’élection d’un nouvel abbé]

4a Également, dans toutes les communautés privées de leur propre pasteur, quelle qu’en soit l’occasion, les frères de ce lieu convoqueront l’abbé de l’Église dont ils sont issus; et, en sa présence et sur son avis, ils se choisiront un abbé

[Conditions d’éligibilité à la charge abbatiale]

4b parmi leurs frères ou ceux du Nouveau Monastère, ou de nos autres Églises.

[Droit de vote actif et passif réservé exclusivement aux membres de l’Ordre]

5a Car il n’est pas permis aux Cisterciens de se choisir comme abbé quelqu’un provenant d’Églises étrangères à l’Ordre, ni de donner à cet effet leurs propres moines à d’autres.

5b Mais toute personne élue par les moines, de quelque communauté de notre Ordre qu’elle provienne, sera acceptée sans opposition.

 

Source: Origines Cisterciennes; présentation, traduction et notes par un groupe de moines cisterciens; introduction par Alessandro AZZIMONTI; Editions du Cerf; Paris; 1998



Carta Caritatis Posterior

( approuvée en 1165 )
Étienne Harding et l'abbé de Saint-Vaast d'Arras déposant leur abbaye aux pieds de la Vierge;  Bibliothèque municipale de Dijon, ms. 130, f° 104, détail; vers 1125; source:http://fr.academic.ru/pictures/frwiki/83/Stephan_Harding.jpg

Prologue

1 Avant que les abbayes cisterciennes ne commencent à fleurir, le seigneur abbé Étienne et ses frères décidèrent qu'en aucune manière des abbayes ne seraient érigées dans le diocèse de quelque évêque avant que ce dernier n'ait approuvé et confirmé le décret élaboré et confirmé par la communauté de Cîteaux et les autres communautés issues d'elle: ceci en vue d'éviter tout heurt entre l'évêque et les moines.

2 Et donc, dans ce décret, les frères précités, voulant prévenir un naufrage éventuel de la paix mutuelle, mirent au clair, statuèrent et transmirent à leurs descendants par quel pacte d'amitié, par quel mode de vie, ou plutôt par quelle charité souder indissolublement par l'esprit leurs moines corporellement dispersés dans les abbayes en divers endroits de la région. Ils estimaient également que ce décret devait porter le nom de Charte de charité parce que sa teneur, rejetant le fardeau de toute redevance matérielle, poursuit uniquement la charité et l'utilité des âmes dans les choses divines et humaines.

 

Chapitre I

Statut 1: L'Église-mère ne réclamera de sa fille aucune contribution d'ordre matériel

 

1a Parce que nous nous reconnaissons tous comme les serviteurs, bien qu'inutiles, du seul vrai Roi, Seigneur et Maître, pour cela nous n'imposons aucune contribution, que ce soit sous forme d'avantage matériel ou de biens temporels aux abbés qui sont aussi nos frères dans la vie monastique et que la bonté de Dieu a établis en différents lieux sous la discipline régulière par notre ministère à nous, le dernier des hommes.

1b Désirant en effet leur être utile, ainsi qu'à tous les fils de la sainte Église, nous arrêtons que nous ne voulons rien faire à leur endroit qui les accable, rien qui diminue leur avoir, de peur qu'en désirant pour nous une abondance dont leur pauvreté ferait les frais, nous ne puissions éviter le vice de l'avarice qui, selon l'Apôtre, est dénoncé comme un culte idolâtrique.

 

Statut 2 : Sollicitude en cas de déviation

2 Cependant, en considération de la charité, nous entendons garder le soin de leurs âmes, afin que, par notre sollicitude, ils puissent revenir à la rectitude de vie au cas où, à Dieu ne plaise, ils auraient osé s'écarter, si peu que ce soit, de leur saint projet de vie et de l'observance de la sainte Règle.

 

Statut 3 : La Règle sera comprise et observée par tous d'une seule manière

3a Mais maintenant nous voulons, et nous leur enjoignons d'observer en tout la Règle du bienheureux Benoît telle qu'elle est observée au Nouveau Monastère, 3b de ne pas introduire dans l'interprétation de la sainte Règle un sens différent. (Mais) comme nos prédécesseurs, nos saints Pères, à savoir les moines du Nouveau Monastère, l'ont comprise et observée, et comme nous la comprenons et observons aujourd'hui, ainsi (eux aussi) la comprendront et l'observeront.

Tous auront les mêmes livres liturgiques et les mêmes coutumes

3c Et puisque nous accueillons dans notre cloître tous leurs moines qui viennent à nous, et qu'eux-mêmes, de la même manière, accueillent les nôtres dans leurs cloîtres, il nous semble opportun, - et c'est aussi notre volonté, - qu'ils aient le mode de vie, le chant et tous les livres nécessaires aux heures diurnes et nocturnes ainsi qu'aux messes, conformes au mode de vie et aux livres du Nouveau Monastère, de sorte qu'il n'y ait aucune discordance dans nos actes, mais que nous vivions dans une seule charité, sous une seule Règle et selon un mode de vie semblable.

 

Statut 4 : Exclusion de tout privilège contraire aux constitutions

4 Aucune Église ou personne de notre Ordre n'aura la témérité de demander à qui que ce soit un privilège contraire aux lois communes de ce même Ordre, ni de le conserver d'une manière quelconque au cas où elle l'aurait obtenu.

 

Chapitre II

Statut 5 : Statut général réglant les relations entre abbayes

5a Quand l'abbé du Nouveau Monastère viendra dans l'une de ces communautés pour y faire la visite, l'abbé local lui cédera le pas en tous lieux du monastère, pour reconnaître par là que l'Église du Nouveau Monastère est la mère de la sienne. Et l'abbé visiteur occupera la place de l'abbé local durant tout son séjour, sauf qu'il prendra ses repas, non pas à l'hôtellerie, mais au réfectoire avec les frères, pour le maintien de la discipline , à moins que l'abbé local ne soit absent.

5b Tous les abbés de notre Ordre se comporteront de la même manière quand ils sont de passage. Si plusieurs abbés surviennent en l'absence de l'abbé local, le plus ancien d'entre eux mangera à l'hôtellerie.

5cUne exception: la bénédiction de ses novices après la probation régulière revient à l'abbé local, (même) en présence d'un (de cet) abbé plus digne.

 

Statut 6 : Pouvoirs de l'abbé visiteur

6a En outre, l'abbé du Nouveau Monastère prendra garde, en ce qui concerne les biens du lieu qu'il vient visiter, de ne rien entreprendre, traiter ni régler, et de ne pas s'en occuper contre la volonté de l'abbé et des frères.

6b Par contre, s'il se rend compte que les préceptes de la Règle ou de notre Ordre sont violés en ce lieu, prenant l'avis de l'abbé présent, il s'appliquera à corriger (les frères) avec charité. En l'absence de l'abbé local, il corrigera néanmoins ce qu'il aura trouvé de répréhensible.

 

Statut 7 : Visite annuelle de l'Église-mère à sa fille

7 Une fois l'an, l'abbé de l'Église-mère visitera (en personne ou par l'un de ses confrères dans l'abbatiat) toutes les communautés qu'il aura fondées. S'il les visite plus fréquemment, les frères y trouveront un surplus de joie.

 

Statut 8 : Visite de Cîteaux

8 Quant à la maison de Cîteaux, les quatre premiers abbés de La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond la visiteront ensemble et chacun en personne, le jour qu'ils auront convenu entre eux, en dehors du chapitre annuel, à moins qu'une maladie grave ne retienne l'un d'entre eux.

 

Statut 9 : Déférence à témoigner à l'Église-fille qui visite l'Église-mère

9 Lorsqu'un abbé de ces Églises (de notre Ordre) vient au Nouveau Monastère, on lui témoignera la déférence qui convient (à un abbé). Il occupera la stalle de (cet) abbé, il recevra les hôtes et mangera avec eux (à l'hôtellerie) seulement si l'abbé est absent.

Si, au contraire, l'abbé est présent, il ne fera rien de cela mais il mangera au réfectoire, et ce sera le prieur local qui réglera les affaires de la communauté.

 

Statut 10 : Accueil d'abbés d'autres filiations

10a Entre les abbayes sans lien de filiation, voici la loi. Tout abbé, en tous lieux de son monastère, cédera la place à un autre abbé de passage, afin d'accomplir la parole : «Prévenez-vous mutuellement d'honneur». Si deux ou plusieurs abbés surviennent ensemble, le plus ancien des arrivants occupera la première place.

10b Tous cependant mangeront au réfectoire, comme nous l'avons dit plus haut, excepté l'abbé local. Mais partout ailleurs où ils se réuniront, les abbés prendront rang selon l'ancienneté de leur abbaye, en sorte que l'abbé de l'Église la plus ancienne sera le premier,

10c Mais partout où ils s'assiéront ensemble, ils s'inclineront les uns devant les autres.

 

Statut 11 : Relations entre abbayes qui ne sont pas issues directement de Cîteaux. Interdiction de tout chapitre général distinct

11a Quand, par la grâce de Dieu, une de nos Églises se sera développée au point de pouvoir fonder un autre monastère, ces deux Églises, elles aussi, observeront entre elles la réglementation que nous observons nous-mêmes avec nos confrères de nos fondations, 11b à cette exception près qu'elles ne tiendront aucun chapitre annuel entre elles.

 

Chapitre III

Saint Stephen (Étienne) Harding  c1060 - 1134; Hiereniam prophetam, livre VI, vers 1125, Bibliothèque municipale de Dijon, ms. 130, f° 104, détail

Statut 12: Chapitre général des abbés à Cîteaux

12a Mais tous les abbés de notre Ordre se réuniront chaque année au chapitre général de Cîteaux, en toute priorité.

12b Exception est faite pour ceux-là seulement qu'une raison de santé aura retenus. Ceux-ci néanmoins devront déléguer un messager compétent avec mission de notifier au chapitre la raison qui exige leur absence.

12c Exception faite également pour ceux qui habitent des régions trop éloignées: ils viendront au temps qui sera fixé pour eux au chapitre.

12d Si, en toute autre circonstance, quelqu'un a, un jour, la témérité de se dispenser de notre chapitre général, il demandera pardon de sa faute au chapitre de l'année suivante, 12e et il n'en sera pas quitte sans une grave remontrance.

 

Statut 13 : Objet de la sollicitude du chapitre général

13 (En ce chapitre,) ils traiteront du salut de leurs âmes: ils décideront de ce qui doit être redressé ou ajouté dans l'observance de la sainte Règle et des prescriptions de l'Ordre; ils rétabliront le bien de la paix et de la charité mutuelle.

 

Statut 14 : Coulpes des abbés au chapitre général

14 Si un abbé est reconnu moins zélé pour la Règle ou trop absorbé par les affaires du monde, ou vicieux en quelque domaine, il y sera proclamé avec charité. Proclamé, il demandera pardon et fera la pénitence infligée pour sa faute. Mais seuls les abbés feront semblable proclamation.

 

Statut 15 : Litiges entre abbés, fautes graves

15 Si vient à surgir quelque dissension entre n'importe quels abbés, ou si, au sujet de l'un d'eux, une faute tellement grave vient à être dévoilée qu'elle mérite la suspense ou même la déposition, on s'en tiendra sans modification à tout ce que le chapitre aura fixé à ce sujet.

 

Statut 16 : Procédure en cas d'avis discordants

16 Cependant si, en raison de la divergence des avis, la cause tourne à la discorde, on s'en tiendra dès lors absolument au jugement de l'abbé de Cîteaux et de ceux qui apparaîtront les plus sages et les plus compétents, en veillant à ceci: aucun de ceux qui sont spécialement concernés par l'affaire ne doit prendre part à la décision.

 

Statut 17 : Aide matérielle apportée aux abbayes dans le besoin

17 Si l'une ou l'autre Église tombe dans une pauvreté intolérable, l'abbé de cette communauté s'appliquera à exposer cette situation en présence de tout le chapitre. Alors, tous les abbés, enflammés du feu très ardent de la charité, se hâteront, chacun selon ses possibilités, de subvenir à la pénurie de cette Église avec les ressources que Dieu leur a départies.



Chapitre IV

 

Statut 18 : Vacance de la charge abbatiale et préparation de l'élection d'un nouvel abbé

18a Si une maison de notre Ordre vient à perdre son propre abbé, l'abbé-père dont la maison est à l'origine de celle-là assumera toute l'administration de cette maison jusqu'à l'élection d'un autre abbé.

18b Après avoir d'abord fixé le jour de l'élection, on lancera les convocations, y compris celles des abbés qui seraient issus de cette maison; et, avec l'avis et l'approbation de l'abbé père les abbés et les moines de cette maison choisiront un abbé.

 

Statut 19 : Administration de Cîteaux durant la vacance

19 Quant à la maison de Cîteaux, comme elle est notre mère à tous, si elle perd son propre abbé, ce sont les quatre premiers abbés, à savoir de La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond qui y pourvoiront et assumeront la charge de cette maison, jusqu'à ce qu'un abbé y ait été élu et installé.

 

Statut 20 : Élection de l'abbé de Cîteaux

20 Pour l'élection de l'abbé de Cîteaux, après en avoir nommément fixé le jour, on convoquera pendant l'espace d'au moins quinze jours les abbés des maisons issues de Cîteaux et d'autres abbés dont les abbés précités et les frères de Cîteaux reconnaîtront la compétence. Et rassemblés au nom du Seigneur, les abbés et les moines de Cîteaux choisiront un abbé.

 

Statut 21 : Conditions d'éligibilité à la charge abbatiale

21 Il sera permis à toute Église-mère de notre Ordre, de se choisir librement comme abbé, non seulement un moine de ses Églises-filles mais même, en cas de nécessité, un abbé de ces Églises.

 

Statut 22 : Droit de vote actif et passif réservé exclusivement aux membres de l'Ordre

 

22 Aucune de nos Églises ne se choisira comme abbé une personne d'un autre Ordre, tout comme il n'est pas permis de donner une personne de chez nous à d'autres monastères qui ne sont pas de notre Ordre.



Chapitre V

Statut 23 : Démission d'un abbé

23 Si un abbé, en raison de son insuffisance ou par pusillanimité, demande à son abbé-père, abbé de la maison dont la sienne est issue, à être déchargé du fardeau de son abbatiat, ce dernier veillera à ne pas lui donner facilement son consentement sans motif raisonnable ni grave nécessité. Mais même en pareil cas, il n'agira pas de lui-même: au contraire, il convoquera quelques autres abbés de notre Ordre et après avoir délibéré en conseil avec eux, il prendra les mesures qui, à tous, paraissent s'imposer.

 

Statut 24 : Déposition d'un abbé

24a Si un abbé se montre méprisant pour la sainte Règle ou violateur (des statuts) de notre Ordre, ou consentant aux vices des frères qui lui sont confiés, l'abbé de l'Église-mère, par lui-même ou

par son prieur, ou comme il le pourra le plus oppotunément, l'avertira jusqu'à quatre fois de se corriger.

Si, repris de la sorte, il ne se corrige pas et refuse de se retirer volontairement, 24b alors, un certain nombre d'abbés de notre Ordre se réuniront et relèveront de sa charge le transgresseur de la sainte Règle.

Ensuite un autre qui soit digne sera élu avec l'avis et l'approbation de l'abbé-père, par les moines de cette Église ainsi que par les abbés, s'il en est, qui lui appartiennent, comme il a été dit plus haut.

 

Statut 25 : Mesure contre les récalcitrants

25a Mais si celui qui est déposé ou ses moines se veulent, ce qu'à Dieu ne plaise, opiniâtres et rebelles au point de ne pas se rendre à leurs avis, ils seront frappés d'excommunication par l'abbé de l'Église-mère lui-même et par les autres abbés, ses confrères dans l'abbatiat. Ensuite, celui-ci les fera rentrer dans le devoir comme il le pourra et le jugera expédient.

 

Statut 26 : Accueil des frères venus à résipiscence

26 Bien sûr, si après cela, l'un d'entre eux, faisant retour en lui-même, veut se relever de la mort de son âme et revenir à sa maison-mère, il sera reçu comme un fils repentant.

 

Statut 27 : Unique cas de transfert

27 Car en dehors de cette circonstance qu'on doit mettre toujours beaucoup de zèle à éviter, aucun abbé ne gardera un moine de n'importe quel autre abbé de notre Ordre sans le consentement de cet abbé, et aucun abbé n'introduira à demeure ses moines dans la maison de n'importe quel autre sans son consentement.

 

Statut 28 : Correction de l'abbé de Cîteaux

28a De la même manière encore, s'il arrive, à ce qu'à Dieu ne plaise, que les abbés de notre Ordre aient connaissance que notre mère, l'Église de Cîteaux, commence à se relâcher

dans la poursuite du saint projet de vie et à dévier de l'observance de la sainte Règle ou des prescriptions de notre Ordre, agissant au nom de tous les autres abbés, ils avertiront jusqu'à quatre fois l'abbé de ce même lieu par l'entremise des quatre premiers abbés, à savoir ceux de La Ferté, de Pontigny, de Clairvaux et de Morimond, qu'il a à se corriger et à veiller à la correction des autres. Ils exécuteront à son endroit avec zèle tout ce qui a été dit au sujet des autres abbés qui se seraient montrés incorrigibles, à l'exception de ceci : s'il refuse de se retirer de son plein gré, ils ne pourront ni le déposer ni prononcer l'anathème contre le rebelle.

28b Mais ils attendront ou bien le chapitre général, ou bien, si l'on trouve impossible de surseoir, une autre assemblée à laquelle seront convoqués les abbés issus de Cîteaux et quelques autres abbés: ils démettront de sa charge l'inutile, et eux-mêmes ainsi que les moines de Cîteaux, ils s'efforceront d'élire un abbé compétent.

 

Statut 29 : Excommunication en cas de révolte contre la déposition de l'abbé de Cîteaux

29 Si cet abbé et les moines de Cîteaux veulent résister obstinément, les abbés ne craindront nullement de les frapper du glaive de l'excommunication.

 

Statut 30 : Résipiscence de l'abbé et des moines de Cîteaux

30 Si plus tard, l'un des rebelles, venant enfin à résipiscence, désire sauver son âme et se réfugie en l'une de nos quatre Églises, soit La Ferté, Pontigny, Clairvaux ou Morimond, il y sera reçu comme quelqu'un de la maison et cohéritier de l'Église, moyennant satisfaction régulière, jusqu'à ce qu'il soit rendu, un jour, à son Église propre, comme il est juste, quand elle aura été réconciliée. Mais entre-temps, le chapitre annuel des abbés ne se tiendra pas à Cîteaux, mais au lieu prévu par les quatre abbés précités.

 

Source: Origines Cisterciennes; présentation, traduction et notes par un groupe de moines cisterciens; introduction par Alessandro AZZIMONTI; Editions du Cerf; Paris; 1998



 

Additional information