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L'espace unifié, ou la quête du saint Graal
Un point dans le Cercle,
Et qui se place dans le Carré et le Triangle,
Connais-tu le point? tout est pour le mieux,
Ne le connais-tu pas? tout est en vain!
La recherche sur l'espace unifié est la quête la plus impressionnante de l'époque médiévale. Elle a contribué à bouleverser entièrement notre conception de la représentation de l'espace. Ces recherches ont abouti à une représentation picturale construite autour de la perspective unifiée.
Elle est aussi à l'origine de la géométrie descriptive, qui a permis l'élévation de la coupole de la cathédrale Sainte-Marie-de-la-Fleur à Florence par l'architecte Filippo Brunelleschi. Cette coupole était plus large que la coupole du Panthéon à Rome, qui fut longtemps le défi architectural du christianisme occidental. Notons que le projet de la cathédrale Sainte-Marie-de-la-Fleur fut décidé en 1296 lorsque le poète Dante Aligheri siègeait au conseil de la commune de cette ville.
Les censives du Temple, c'est-à-dire ce territoire de l'église où on prélevait un impôt (le cens), protégeaient les ouvriers de métier des droits juridictionnels de la société féodale. Dans ces territoires, les métiers comme ceux des maçons et tailleurs de pierre échappaient aux lourdes sujétions imposées par les communautés de métier, à la tutelle du pouvoir royal comme à l'autorité municipale, ainsi qu'à la plupart de leurs impôts. Ces métiers étaient "francs", c'est-à-dire libres des contraintes corporatives.
L'ordre des templiers ne se contenta pas de protéger les ouvriers de métier, il fut aussi intéressé à former des maçons et des tailleurs de pierre pour diffuser ses propres schémas architecturaux conformément aux canons de la Stricte Observance bénédictine définis par leurs frères spirituels - les moines cisterciens.
Sous couvert du manteau du Temple, la confrérie de bâtisseurs des enfants de Maître Jacques put librement circuler dans toute l'Europe. Cette confrérie sera initiée à l'art de la géométrie dont l'espace unifié était la quintessence. Mais cette initiation requérait de se rendre dans un lieu bien précis. La confrérie des enfants de Maître Jacques devait son nom en honneur de l'apôtre Saint-Jacques, patron du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice. 'campus stella', étymologiquement 'le champ de l'étoile', qui reste associé à la voie lactée, la confrérie arborera comme marque de reconnaissance l'étoile à six branches.
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L'initiation de ces ouvriers maçons et tailleurs de pierre se fera donc sur le chemin de Galice, sur lequel, selon le chevalier Wolfram von Eschenbach, , se situe le château du Saint Graal. Dans son Parzival, le chevalier allemand rappelle que ce sont les templiers qui en sont les gardiens...
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Jean-Pierre Schmit
Mori mundo, le cercle intérieur des templiers
Nos recherches sur les statuts secrets de l'ordre des templiers nous ont amené à nous intéresser à la noblesse provençale du XIIIème siècle.
La violence de ces seigneurs contre l'Eglise romaine a fait ressortir à nos yeux cette culture gibeline, qui trouve son origine dans l'attachement de la noblesse provençale pour la figure de l'empereur germanique dont les terres de Provence dépendaient juridiquement jusqu'au milieu du XIIIème siècle.
Cet attachement à la figure de l'empereur du Saint Empire romain germanique sera d'ailleurs entretenu en Provence à travers une mystérieuse confrérie: la confrérie de Rois Mages, fondée en 1164 par Renaud de Dassel, archevêque de Cologne et chancelier de l'empereur germanique Fréderic Barberousse.
Avec la confrérie des Rois Mages, nous sommes dans un univers qui a priori parait opposé à celui des templiers. La milice des Pauvres Chevaliers du Christ du Temple de Salomon qui avait reçu sa Règle au concile de Troyes était issue du mouvement de l'église grégorienne - une église qui était résolument en lutte contre les prérogatives des empereurs germaniques. Cependant la confrérie des rois Mages n'est pas totalement étrangère à l'univers de la Stricte Observance bénédictine...
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Jean-Pierre Schmit
La figure du Baphomet
"Mais que signifient dans vos cloîtres, là où les religieux font leurs lectures, ces monstres ridicules, ces horribles beautés et ces belles horreurs? A quoi bon, dans ces endroits, ces singes immondes, ces lions féroces, ces centaures chimériques, ces monstres demi-hommes, ces tigres bariolés, ces soldats qui combattent et ces chasseurs qui donnent du cor? Ici on y voit une seule tête pour plusieurs corps ou un seul corps pour plusieurs têtes : là c'est un quadrupède ayant une queue de serpent et plus loin c'est un poisson avec une tête de quadrupède. Tantôt on voit un monstre qui est cheval par devant et chèvre par derrière, ou qui a la tête d'un animal à cornes et le derrière d'un cheval. Enfin le nombre de ces représentations est si grand et la diversité si charmante et si variée qu'on préfère regarder ces marbres que lire dans des manuscrits, et passer le jour à les admirer qu'à méditer la loi de Dieu. Grand Dieu ! Si on n'a pas de honte de pareilles frivolités, on devrait au moins regretter ce qu'elles coûtent." (extrait de l'Apologie de Saint Bernard adressée à Guillaume, abbé de Saint-Thierry)
Saint Bernard, abbé de la Claire Vallée, s'adressait à son ami Guillaume, abbé clunisien de Saint Thierry. Les moines bénédictins de Cluny étaient les grands rivaux des moines de la Stricte Observance bénédictine. Chez les cisterciens, on a ignoré - voire récusé - l'usage des formes sculptées. Les fils de la Claire Vallée préfèreront une symbolique contemplative plus épurée, tout orientée sur une architecture offrant un jeu subtil d'ombres et de lumières où l'art de la géométrie répond à toutes les attentes symboliques.
La figure du Baphomet est donc étrangère à l'univers de la Stricte Observance. Par contre, le mouvement canonial des chanoines réguliers n'aura, lui, aucun scrupule à s'en référer à la statuaire des moines bénédictins de Cluny pour asseoir sa vie contemplative. L'approche symbolique qui consistait à travers des images à incarner une réalité spirituelle était même en total accord avec la théologie des chanoines réguliers qui suivaient la Règle de Saint Augustin.
Pour ce qui est de l'aspect monstrueux, le chanoine régulier Hugues de Saint Victor avait même une théorie esthétique à ce propos. Selon Hugues : "le laid plus que le beau prouve que les formes visibles ne sont qu'un symbole de la beauté parfaite et non point du Beau véritable. " Il écrit aussi: "Le beau physique nous trompe puisqu'il nous donne l'illusion de posséder le parfait, le laid est plus véridique puisqu'il nous contraint à désirer la beauté infinie que rien n'arrive à concrétiser." (Commentaire de la Hierarchie Céleste; Hugues de Saint-Victor)
Les templiers avaient une règle de vie se référant aux usages de la Stricte Observance bénédictine mais cette Règle stipule que les frères suivront les offices selon les observances canoniales des chanoines réguliers de la cité sainte -qui suivaient quant à eux la Règle de Saint Augstin. Les études récentes sur les pratiques liturgiques des templiers ont permis d'établir que les moines-soldats suivaient la liturgie des chanoines réguliers suivant les usages des diocèses où ils étaient installés. C'est avec la liturgie de l'illustre abbaye des chanoines réguliers de Saint-Sernin de Toulouse que va s'introduire la figure dite du "Baphomet" dans les pratiques liturgiques des templiers.
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