La figure du Baphomet

 

détail de la basilique de Saint Sernin de Toulouse; photo de JP. Schmit

 

"Mais que signifient dans vos cloîtres, là où les religieux font leurs lectures, ces monstres ridicules, ces horribles beautés et ces belles horreurs? A quoi bon, dans ces endroits, ces singes immondes, ces lions féroces, ces centaures chimériques, ces monstres demi-hommes, ces tigres bariolés, ces soldats qui combattent et ces chasseurs qui donnent du cor? Ici on y voit une seule tête pour plusieurs corps ou un seul corps pour plusieurs têtes : là c'est un quadrupède ayant une queue de serpent et plus loin c'est un poisson avec une tête de quadrupède. Tantôt on voit un monstre qui est cheval par devant et chèvre par derrière, ou qui a la tête d'un animal à cornes et le derrière d'un cheval. Enfin le nombre de ces représentations est si grand et la diversité si charmante et si variée qu'on préfère regarder ces marbres que lire dans des manuscrits, et passer le jour à les admirer qu'à méditer la loi de Dieu. Grand Dieu ! Si on n'a pas de honte de pareilles frivolités, on devrait au moins regretter ce qu'elles coûtent." (extrait de l'Apologie de Saint Bernard adressée à Guillaume, abbé de Saint-Thierry)

Saint Bernard, abbé de la Claire Vallée, s'adressait à son ami Guillaume, abbé clunisien de Saint Thierry.  Les moines bénédictins de Cluny étaient les grands rivaux des moines de la Stricte Observance bénédictine.  Chez les cisterciens, on a ignoré - voire récusé - l'usage des formes sculptées.   Les fils de la Claire Vallée préfèreront une symbolique contemplative plus épurée, tout orientée sur une architecture offrant un jeu subtil d'ombres et de lumières où l'art de la géométrie répond à toutes les attentes symboliques.

 

La figure du Baphomet est donc étrangère à l'univers de la Stricte Observance.  Par contre, le mouvement canonial des chanoines réguliers n'aura, lui, aucun scrupule à s'en référer à la statuaire des moines bénédictins de Cluny pour asseoir sa vie contemplative.  L'approche symbolique qui consistait à travers des images à incarner une réalité spirituelle était même en total accord avec la théologie des chanoines réguliers qui suivaient la Règle de Saint Augustin.

 

Pour ce qui est de l'aspect monstrueux, le chanoine régulier Hugues de Saint Victor avait même une théorie esthétique à ce propos.  Selon Hugues : "le laid plus que le beau prouve que les formes visibles ne sont qu'un symbole de la beauté parfaite et non point du Beau véritable. " Il écrit aussi: "Le beau physique nous trompe puisqu'il nous donne l'illusion de posséder le parfait, le laid est plus véridique puisqu'il nous contraint à désirer la beauté infinie que rien n'arrive à concrétiser." (Commentaire de la Hierarchie Céleste; Hugues de Saint-Victor)

 

Les templiers avaient une règle de vie se référant aux usages de la Stricte Observance bénédictine mais cette Règle stipule que les frères suivront les offices selon les observances canoniales des chanoines réguliers de la cité sainte -qui suivaient quant à eux la Règle de Saint Augstin.  Les études récentes sur les pratiques liturgiques des templiers ont permis d'établir que les moines-soldats suivaient la liturgie des chanoines réguliers suivant les usages des diocèses où ils étaient installés.  C'est avec la liturgie de l'illustre abbaye des chanoines réguliers de Saint-Sernin de Toulouse que va s'introduire la figure dite du "Baphomet" dans les pratiques liturgiques des templiers.

 

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