list of the Knights Templar Commanders of the Kingdom of Jerusalem

 

Le commandeur de la terre du royaume de Jérusalem est le grand trésorier de l'ordre du Temple. Selon le chapitre 111 de la Règle des Templiers :

« Le Commandeur de la terre est trésorier du couvent et tous les avoirs de la maison de quelque endroit qu'ils soient apportés ou d'en deçà des mers ou d'en delà de la mer, ils doivent être rendus et baillés entre la main du commandeur de la terre, et il doit les mettre au trésor et il ne doit rien toucher, ni remuer tant que le maître ne les a vus et comptés. »

Il s'occupe de la gestion financière de l'ordre. C'est aussi lui qui est chargé de répartir les frères dans chaque maison de l'ordre. Il est secondé par le Drapier.

Au chapitre 123 de la Règle des Templiers, le commandeur de la terre est qualifié de " Grand commandeur du royaume de Jérusalem". Il ne faut pas confondre  la fonction de grand commandeur de la terre du royaume de Jérusalem, qui est le trésorier de l'ordre, avec la fonction de grand commandeur de l'ordre, qui concerne uniquement l'élection d'un nouveau grand maître après l'annonce du décès du grand maître par le maréchal de l'ordre.

 

 

Nom : Geoffroy Foucher

date : 1156-1168

Avec le commandeur de la terre du royaume de Jérusalem Geoffroy Foucher, nous avons affaire à un fin administrateur des affaires de l'ordre mais aussi à un diplomate que l'on n'hésitera pas à solliciter pour les affaires de politique internationale.

En 1163, le grand maître Bertrand de Blanquefort envoya Geoffroy Foucher en Occident pour solliciter des renforts auprès du roi d'Angleterre Henri II de Plantagenet et du roi de France Louis VII.  Le trésorier de l'ordre obtint à cette occasion de nombreux subsides qui vinrent grossir le trésor général de l'ordre. Seulement, même pour un trésorier, l'argent n'était pas tout. Geoffroy Foucher était surtout venu en Europe pour prêcher une nouvelle croisade. Hélas! Après le fiasco de la Seconde Croisade, les monarques d'Occident n'étaient pas prêts à rééditer un pareil exploit. Notre Templier dût se contenter de vagues promesses.

Pendant son séjour en Europe, le pape Alexandre III, dans sa bulle Litteras Nostras, confia au Templier Geoffroy Foucher la mission de réconcilier le roi d'Angleterre Henri II avec son chancelier Thomas Becket, archevêque de Canterbury.

 

Le jeune roi Henri refuse de rencontrer Thomas Beckett, source:http://vidimus.org/issues/issue-14/feature/

 

Mission délicate, dans laquelle notre Templier ne réussit que provisoirement. Malgré tout, Geoffroy Foucher avait réussi à tisser des liens de confiance avec les monarques occidentaux. C'est ce qui ressort d'une lettre que le commandeur de la terre du royaume de Jérusalem adressa au roi de France lors de son retour en Terre Sainte en avril/mai 1164.

"Par la faveur de Dieu je suis venu à terre, en bonne santé, dans le Port d'Antioche. Dès que j'eus salué le Maître et les frères en votre nom, je leur ai raconté quels honneurs insignes vous m'avez rendus, pour l'amour de Dieu et de notre chevalerie. Mes frères vous ont tout de suite rendu grâces, en se recommandant à votre noblesse; ils ont offert leurs prières envers vous et pour vous. Ne croyez pas que votre serviteur ait oublié ce qu'il s'est réjoui d'entendre de votre bouche. Car vous m'avez chargé de saluer les Lieux Saints en votre nom, et de penser à vous dans chaque Station quand je les visiterais. Attentif à votre demande, je vous envoie une bague que j'ai portée aux Lieux Saints, la faisant attoucher à chaque objet de vénération. Pour révérence de ces choses, je vous prie de la conserver et de la chérir. Adieu. Adieu encore avec mon souvenir."

En 1164, le couvent du Temple, le grand maître Bertrand de Blanquefort et les dignitaires de l'ordre accompagnent l'armée du roi de Jérusalem Amaury, qui est parti faire campagne en Egypte. Geoffroy Foucher, en tant que commandeur de la terre du royaume de Jérusalem, se retrouve seul à Jérusalem pour gérer les affaires de l'ordre. C'est ce moment que choisit Nûr al-Dīn, l'atabeg d'Alep et de Damas, pour attaquer la principauté d'Antioche. S'ensuit le désastre de la bataille de Harim, où toute la noblesse franque de la Syrie du Nord est faite prisonnier par les Sarrasins.

 

Représentation du duc d'Antioche fait prisonnier après la bataille de Harim; aquarelle de 1871 reproduisant les fresques de la chapelle templière de Cressac

 

A tout moment, le royaume de Jérusalem pouvait être envahi, et Geoffroy Foucher n'a que très peu d'homme à sa disposition pour y faire face. C'est dans ces circonstances qu'il va adresser deux lettres au roi de France.

"Frère Geoffroy Foucher, indigne procureur des maisons de la Pauvre Milice du Temple , adresse cette lettre à son grand ami et seigneur Louis, sanctissime roi de France par la grâce de Dieu (…) Il arriva, au mois de juillet de cette année, que notre roi Amaury, avec notre maître et d'autres pairs de la Terre Sainte, entra dans les confins de Babylone et assiégea, dans la ville de Berbeis, Syracon le Connétable de Noradin, qui avait pénétré dans ce pays-là pour en faire la conquête. A la fin de ce mois, et au début du mois suivant, les nôtres tendirent leurs tentes devant la ville. Là-dessus Noradin, furieux et enragé d'esprit, rassembla ses forces par lettres et par messagers de tous les pays qui avaient entendu son nom et en tremblaient. Rempli de son orgueil et rage accoutumés, il assiégea un château qui s'appelle Harinc (Harim) entre Antioche et Alep. Il assaillit tant les assiégés avec perrières et mangonaux, qu'ils ne purent plus résister, surtout parce qu'ils manquaient presque entièrement d'eau et de vivres.

 

Pendant ce temps, le prince Bohemond d'Antioche, le comte de Tripoli et le duc de Marmisterna (le roi d'Arménie) avec beaucoup de nos frères qui les avaient rejoints, se préparaient à porter secours aux assiégés. Le prince rassembla une telle force de chevaliers, de turcopoles et de sergents, que jamais de notre temps l'on ne vit une plus belle armée de chrétiens partir contre les infidèles. Mais il advint qu'après un premier succès les nôtres furent déconfits par un nombre supérieur de Sarrasins, qui en mirent beaucoup à mort, et firent prisonniers le duc et le comte. Ensuite, parcourant notre terre en tous sens, ils prirent Harinc et assiégèrent Antioche. Nous n'avons plus de troupes pour les résister, car de six cents chevaliers et de douze mille piétons, il n'échappa que les quelques-uns qui ont rapporté les nouvelles… Que votre conscience se réveille, que les lieux de notre Rédemption, la Terre Sainte, la Cité de fortitude, l'Église primitive vous émeuvent et vous touchent de charité sincère. Plus d'une fois nous avons envoyé de tels avertissements, mais aujourd'hui avec plus d'urgence et de gravité que jamais. A nous, la Grâce Divine assigne ces prières et ces supplications, mais à vous des actes et l'exécution de vos promesses." Cité par Marion Melville, La Vie des Templiers, Gallimard, 1951, p. 70

Les nouvelles de la progression des armées sarrasines étant inquiétantes, Geoffroy Foucher envoya une deuxième lettre au roi de France dans laquelle il donnait quelques précisions sur la bataille de Harim.

 

Représentation de la bataille de Harim; aquarelle de 1871 reproduisant les fresques de la chapelle templière de Cressac

 

Hugues de Lusignan était prisonnier à Alep. Soixante frères du Temple avaient été tués. Sans compter les turcoples et les confrères de l'ordre. Seuls sept chevaliers du Temple avaient pu s'échapper. Il termine sa seconde lettre par ces mots:

"Et nous, si peu nombreux en Jérusalem, nous sommes menacés d'invasion et de siège. Voyez donc notre nécessité: si vous dissimulez ou hésitez à vous laisser convaincre selon vos habitudes, si vous ne vous décidez pas à nous aider avant que les derniers vestiges de la chrétienté ne soient consumés, jugez combien il est à craindre qu'il ne soit trop tard lorsque vous voulez nous apporter du secours.

 

Que tous ceux qui sont de Dieu et qu'on nomme chrétiens prennent leurs armes et viennent libérer le royaume de leurs aïeux et la terre de notre libération, de peur que les fils ne perdent honteusement ce que les pères ont conquis en hommes.

 

N'attendez pas d'autres messagers d'ici, puisque dans l'absence de notre roi et de notre maître nous sommes trop démunis pour renvoyer encore de nos prud'hommes." Idem, p. 71

Finalement Nûr al-Dīn renonça à pousser plus loin son offensive et Jérusalem échappa encore une fois au pire. En 1167, c'est encore à Geoffroy Foucher que le grand maître Bertrand de Blanquefort fait appel pour négocier les accords entre les Francs et les Égyptiens. En 1168, Geoffroy Foucher sera envoyé en Occident avec le titre de visiteur cismarin.

auparavant :

ensuite: Visiteur Cismarin

 

Nom : Gautier de Briseberre dit ( de Beyrouth )

date : 1169. Frére Galterus de Berito, preceptor, souscrit comme témoin, 16 mars 1169, dans un acte de  l'évêque Pierre de Tortose en faveur de l'ordre du temple.

auparavant : Visiteur Cismarin

ensuite: Sénéchal

 

Nom: Robert  Franiel

date: 1179. Frère Roberti Fresn, magno preceptore, souscrit comme témoin un acte daté après le 9 octobre 1179, concernant Arnold d'Aurillac pour l'ordre du temple.

auparavant

ensuite: Maréchal

 

Nom : Gilbert d'Erail

date : 1183. Frère Girbertus  Arayl , magnus preceptor , souscrit comme témoin en 1183 , un accord conclu entre l'abbaye Notre-Dame de Josaphat et l'ordre du temple.

auparavant :

ensuite: Maître en Aragon

 

Nom : Jean de Terric

dates : 1187-1188

auparavant :

ensuite: Nous possédons une lettre du commandeur de la terre du royaume de Jérusalem qui n'hésite pas à s'intituler lui-même grand précepteur de la maison du Temple de Jérusalem. L'apparition de ce personnage dans l'histoire du Temple est aussi courte que peu banale. Il semble avoir été très proche du grand maître Gérard de Ridefort et a fait partie des templiers qui ont réussi à s'échapper après la bataille de Hattin le 4 juillet 1187. On a longtemps pris Jean de Terric pour un grand maître à cause d'un malentendu. Jean de Terric, grand commandeur du royaume de Jérusalem, a fait parvenir en Occident une lettre écrite par le grand maître Gérard de Ridefort alors en captivité et que l'on suppose avoir été transmise au trésorier par le sire Balian II d'Ibelin. Voici la seule lettre que nous avons écrite de la main de Jean de Terric. Cette lettre témoigne du désarroi du chevalier qui dans ces heures tragiques espère que le salut viendra du roi d'Angleterre.

" A mon très-cher Seigneur Henri, illustre Roi des Anglais, Duc de Normandie, d'Aquitaine, et comte d'Anjou, Salut en celui de qui dépend la vie des Rois, Frère Terric, jadis Grand-Précepteur de la Maison du Temple de Jérusalem. on ne doit pas, Sire, vous laisser ignorer que Jérusalem et la Tour de David se sont rendues au Sultan; que les Syriens n'ont à rester à la garde du Saint-Sépulcre que jusqu'au quatrième d'octobre. On a permis aux Hospitaliers de rester dans leur Maison, au nombre de dix seulement, afin de soigner les blessés et les malades. Ceux de cet Ordre qui défendent le château de Beauvoir, s'y comportent en braves; ils ont enlevé aux Sarrasins deux caravanes, dans l'une desquelles ils ont trouvé les armes, effets et victuailles que l'ennemi transportait de Faba, après avoir démoli ce fort; les environs de Tripoli et d'Antioche sont en état de se défendre. quelques forts, entr'autres, Margat, Saphet-du-Temple, Mont-Royal, Castelblanc, l'un et l'autre Krak ont méprisé jusqu'à présent les menaces de Saladin. non content d'avoir abattu la croix du haut de l'Eglise qui est près de l'ancien Temple, il l'a fait exposer pendant deux jours à la risée et aux insultes d'une soldatesque effrénée; il a fait laver d'eau rose le haut et le bas, l'intérieur et l'extérieur de la principale Eglise, et y a fait proclamer, en grande solennité, la loi de Mahomet; il a tenu Tyr bloquée depuis la Saint-Martin jusqu'à la Circoncision, sans cesser de la battre jour et nuit par le moyen de ses balises et catapultes. La veille de S. Sylvestre, le jeune Marquis de Montferrat, après avoir porté son infanterie sur les murs de cette ville, et lui en avoir confié la garde, sortit du port avec dix-sept galères et dix autres petits bâtiments, attaqua l'escadre Musulmane, lui enleva onze galères, se saisit du Grand-Amiral, de huit autres Emirs, et soutenu par l'exemple des Templiers et des Hospitaliers, rougit les eaux de la mer du sang des Infidèles; le reste des vaisseaux ennemis ayant échoué sur la côte, Saladin aima mieux les vois réduits en cendres par les ordres, que de souffrir que les Chrétiens en retirassent aucune utilité, et pour faire retomber sur les siens la honte et la défaite, il affecta de paraître devant eux en équipage ridicule, monté sur un cheval de bataille qui avait la queue et les oreilles coupées."

En lisant cette lettre, certains en ont tiré la conclusion que Jean de Terric avait démissionné de sa charge. Mais l'expression "jadis grand précepteur de la maison du Temple de Jérusalem" peut signifier dans l'esprit du templier qu'il vient de perdre tout ce qui faisait l'essence de sa charge: la Terre Sainte, Jérusalem, l'accès à l'esplanade du Temple de Salomon. Ce n'est pas le commandeur de la terre du royaume de Jérusalem qui a démissionné, c'est la Terre Sainte elle-même qui s'est dérobée sous ses pieds.

 

Nom : Irmengaud

date : 1198. fratre siquidem Irmengaud tunc existente magno praeceptore, souscrit comme témoin en juin 1198, un acte entre le Grand Maître du temple Gilbert Eral et l'abbaye de Notre-Dame de Josaphat.

auparavant : Maître d'Antioche

ensuite:

 

Nom : Pierre de Moneta

date : 1204. Frère Petrus de Manaia, magnus preceptor, souscrit un acte le 19 juillet 1204, entre Soffred de Saint-Praxedis, Peter de Marcellus , Cardinal légat et les Grand Maîtres des ordres templier et hospitalier, Philippe de Plessis et Alphonse du Portugal.

auparavant :

ensuite :

 

Nom : Guillaume Cadeil

date : mentionné en 1222, comme lieutenant du grand maître (chronique), puis preceptore templi en 1223 (lettre), mais a probablement cumulé ces fonctions avec celle de visiteur cismarin.

auparavant : Visiteur cismarin

ensuite : Maître d'Aragon

 

Nom : Barthelemy de Moret

date : 1240. Bartholomei de Moretto, tunc temporis magni preceptoris dicte militie in regno Jerusalem, contresigne au mois de septembre 1240, une donation faite à l'ordre de Saint-Lazare par Armand de Périgord grand maître du Temple

auparavant :

ensuite:

 

Nom : Pierre de Saint-Romain

date : 1241. P. de S. Romain, grant comandeor, souscrit comme témoin, le 18 novembre 1241, un accord conclu entre l'ordre de l'Hôpital et Bohémond, seigneur d'Antioche et de Tripoli à propos de la cession de ses droits en faveur de l'ordre sur le fief de Maraclée et de ses dépendances.

auparavant : Visiteur cismarin

ensuite: Maître de Tripoli

 

Nom : Etienne de Hautetour 1

dates : 1249. Frère Sthephanus de Alta Turre preceptor terre rigiminis Hierusalem , souscrit comme témoin à Limassol le 12 mai 1249, une transaction financière pour une somme de 10 000 besans syriens soit 3750 livres tournois.

auparavant :

ensuite :

 

Nom : Frère Gilles 

date : mentionné en 1250

auparavant :

ensuite: mort au combat à la bataille de la Mansourah le 8 février 1250.  Les conseils de prudence de frère Gilles vaudront aux ordres de chevalerie de Terre Sainte une de leurs plus cinglantes récriminations. Pendant la Septième Croisade, après la prise de Damiette, le comte Robert d'Artois, frère du roi de France, convainc le roi de frapper au coeur de l'Egypte en visant directement le Caire contre l'avis des ordres militaires de Terre Sainte, les Templiers en tête,  qui conseillaient avec les barons de s'attaquer en premier lieu au grand port commercial d'Alexandrie. C'est évidemment Robert d'Artois qui emportera la décision. Le roi de France, saint Louis, se méfiait des Templiers. Robert d'Artois dirigeait l'avant-garde de l'armée franque. Après plus d'un mois d'une lutte de positions autour des rives du Bahr al-Saghîr - un bras du Nil - l'avant-garde de l'armée franque renforcée par le couvent des Templiers réussit à traverser, grâce aux informations d'un indicateur, le Bahr al-Saghîr dans la nuit du 7 au 8 février 1250. L'armée égyptienne, qui depuis un mois avait bloqué avec succès les Francs sur l'autre rive du fleuve, s'était mal gardée contre cette éventualité. Le résultat fut catastrophique pour l'armée égyptienne. A peine l'avant-garde franque avait-elle réussi à traverser au petit matin, qu'elle chargeait le camp égyptien encore endormi. L'émir Fakhr al-Dîn, le généralissime des égyptiens, fut, comme ses soldats, entièrement surpris. Il sortait de son bain quand les premières clameurs des fuyards lui apprirent que les Francs avaient traversé le fleuve. Sautant sur son cheval, accompagné d'une poignée de Mammelouks, le général essaya de raisonner ses hommes qui cédaient à la panique. Il partit au galop au devant de l'ennemi en rassemblant autour de lui le plus d'hommes qu'il pouvait. Quand soudain surgit le gonfanon baucent , suivi du terrible grondement des sabots de la charge de la chevalerie templière. C'est à ce moment que le général se rendit compte qu'il était sortit sur son cheval sans aucune protection. La plupart des hommes qui l'accompagnait, terrifié par la charge des Templiers, était déjà en train de fuir quand le général fut percé au flanc par la lance d'un Templier qui le projeta au sol. Il mourut sur place, criblé de coups d'épées. L'avant-garde dirigée par Robert d'Artois déboucha dans le camp égyptien et finit d'achever ceux qui ne s'étaient pas encore échappés. Les événements semblaient donner raison au frère du roi de France. Mais le comte d'Artois ne voulait pas en rester là. Voyant fuir l'armée égyptienne en ordre dispersé, il comptait achever le travail quand frère Gilles lui rappela les consignes du roi de France qui voulait qu'on attende que le gros de l'armée ait traversé le fleuve pour avancer. Pour le comte d'Artois c'était encore une insubordination de ces Templiers qui passaient leur temps à entraver son initiative alors que cette victoire confirmait le bien-fondé de ses choix stratégiques. Pour raisonner le frère du roi, frère Gilles tenta la flatterie - faisant remarquer à Robert d'Artois qu'il avait déjà réussi un des plus grands coups d'audace qui ait été fait depuis longtemps en Terre Sainte et que si on continuait à charger en ordre dispersé, le premier effet de surprise passé, les Sarrasins se rendraient vite compte qu'ils n'avaient affaire qu'à un petite nombre de chevaliers face à toute une armée - et qu'alors cette victoire risquait vite de se transformer en déconfiture. Exaspéré par le ton mielleux du commandeur, le frère du roi de France rétorqua:

"Il ne faut point chercher d'autres preuves que ce discours artificieux, de l'intelligence qu'on dit que les Templiers entretiennent avec les infidèles, je reconnais ici leur trahison et l'esprit séditieux des Hospitaliers. C'est avec bien de la justice qu'on publie depuis si longtemps qu'eux seuls, pour se rendre toujours nécessaires, et pour tirer tout l'argent de l'Occident, ne veulent point que la guerre finisse: voilà la terrible cause de la perte de tant de princes et de seigneurs croisés, qu'ils ont empoisonnés, ou qu'ils ont laissés périr dans les batailles, de peur de se voir soumis à la domination des princes d'Occident; et qui ne sait toute la peine que l'empereur Frédéric a eue pour se débarrasser de leur trahison et de leurs embûches?"

Le grand maître des Templiers, Guillaume de Sonnac, choqué par les paroles du comte d'Artois répondit:

"Prince, pouvez-vous penser que nous ayons abandonné nos biens et notre patrie, que nous ayons pris l'habit religieux dans une terre étrangère, et que nous exposions tous les jours nos vies pour trahir l'Eglise de Jésus-Christ et renoncer à notre salut? Soyez persuadé qu'une pensée si indigne d'un chrétien n'est jamais entrée dans l'esprit d'aucun chevalier."

La suite ne fut qu'une longue prise de becs entre ceux qui voulaient rester sur place pour attendre le gros de l'armée et le comte d'Artois, bien décidé à vaincre l'armée égyptienne à lui tout seul. Quand plusieurs chevaliers, prévenus de l'attitude du comte d'Artois, vinrent au nom de son frère le roi lui rappeler qu'il devait attendre sur place, le comte n'avait qu'une réponse:

"Que les Sarrasins étaient déjà battus et qu'il ne resterait pas là mais les chasserait."

C''était le signal que ses chevaliers attendaient pour charger. Hautain, le comte d'Artois, passant devant le frère Gilles, lui dit que s'il avait peur il n'avait qu'à rester sur place. Le Commandeur répondit :

"Sire, ni moi ni mes frères nous n'avons peur. Nous ne resterons pas en arrière et nous irons avec vous. Mais sachez que vraiment nous doutons que ni nous ni vous n'en revenions jamais."

L'avant-garde chargea, tuant tous les soldats qui se trouvaient sur son passage. Arrivés dans la localité de la Mansourah avec ses ruelles étroites, une partie des Francs s'éparpillèrent à la poursuite des fuyards et les habitants terrés dans leurs maisons entendaient les cris de leurs compatriotes que l'on était en train d'achever au bas de leurs portes. Robert d'Artois traversa la Mansourah pour se retrouver face aux portes closes du palais-forteresse de la Cité. C'est là qu'il choisit de s'arrêter pour attendre le reste de l'avant-garde qui s'était dispersée. C'est aussi à ce moment que les Sarrasins purent constater à quel point les Francs qui les chassaient étaient peu nombreux. C'est le mamelouk turc Baîbars Bundukdâri qui, constatant l'imprudence des Francs, décida de charger à l'improviste à la tête de la brigade des mamelouks bahrides . Très vite submergés par le nombre, le comte Robert d'Artois et ses hommes furent obligés de battre en retraite. Mais quand les habitants de la Mansourah réalisèrent que les Francs étaient en train de fuir, ils jetèrent dans les rues des poutres et des palissades et tout ce qui leur passait entre les mains pour transformer les ruelles étroites de la ville en impasse mortelle. Pris au piège, le comte d'Artois se réfugia dans une maison de la Mansourah alors que ses chevaliers se faisaient décimer dans les ruelles. Il est probable que le comte fit valoir sa qualité, espérant être fait prisonnier et libéré contre forte rançon. Mais à cette heure, les Sarrasins qui s'étaient fait tailler en pièces par ses hommes n'étaient pas disposés à respecter les codes de la chevalerie et le frère du roi fut massacré sur place.

 

a bataille de la Mansourah en 1250. Vie et miracles de Saint Louis, Guillaume de Saint-Pathus, XIVe siècle, BnF.

 

Les Templiers vendirent chèrement leur peau et le gonfanon baucent ne fut pas pris à Mansourah. Le grand maître des Templiers, Guillaume de Sonnac, réussit à rejoindre l'armée chrétienne avec le maréchal du Temple Renaud de Vichiers et quelques frères d'armes. Le grand maître était couvert de blessures. Il avait un oeil arraché, ses vêtements étaient déchirés et sa cuirasse percée de coups. Deux cent quatre-vingt cinq Templiers étaient tombés  à la Mansourah - dont le commandeur de la terre, frère Gilles. Mais le gonfanon était toujours là. Le grand maître sera tué trois jours plus tard, le 11 février 1250. Le lendemain, l'armée franque sera vaincue et le roi de France fait prisonnier. Mais le gonfanon baucent ne sera jamais pris et le maréchal Renaud de Vichiers le ramènera à Saint-Jean-d'Acre.

 

Nom : Guy de Basenville

dates : 1256. Frère Guido de Basainvilla domorum militiae templi praeceptor in regno hyerosolimitano, dans une lettre du 4 octobre 1256, informe l'évêque d'Orléans de sa bonne santé, du tremblement de terre et de l'incendie de Médine ainsi que de l'avancée des Mongols.

auparavant : Maître de France

ensuite: Visiteur Cismarin

 

Nom : Mathieu Sauvage

date : mentionné en 1260

auparavant :

ensuite: Mathieu Sauvage est fait prisonnier à la bataille de Tibériade en 1260. Peu de temps après, lui et plusieurs de ses frères templiers , dont Guillaume de Beaujeu et Thibaud Gaudin, deux futurs grand maîtres, furent rachetés par l'ordre qui paya rançon.

 

Nom : Amaury de la Roche

date : 1262. Amaury de la Roche, grant commandeor, souscrit comme témoin, le 31 mai 1262, un accord entre le grand maître du Temple Thomas Bérard et l' ordre de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.

auparavant :

ensuite : Maître de France

 

Nom : Guillaume de Montignane

date : 1262. Guillaume de Montignane, grant comandeor dou Temple, souscrit le 19 décembre 1262, une sentence arbitrale mettant fin à un différend qui s'était élevé entre les ordres du Temple et de l'Hôpital, relativement à des moulins.

auparavant :

ensuite :

 

Nom : Simon de la Tour

date : 1271. Symone de Turri, magno preceptore domus Templi, souscrit comme témoin, le 2 juin 1271, de la remise par le seigneur de Gibelet à Hugues, grand maître de l'Hôpital, de 44 titres de propriétés déposées entre les mains du grand maître, par le seigneur de Gibelet.

auparavant :

ensuite : Maître des Pouilles

 

Nom : Gonfier de Salvaing

date : 1273. Mentionné dans la chronique d'Eraclès à propos de l'élection du grand maître Guillaume de Beaujeu le 13 mai 1273. A cette occasion, "frère Goufier fu fait commandeor grant tenant lieu de maistre". A partir du 13 mai 1273, Gonfier de Salvaing dû gérer les affaires de l'ordre et cela plusieurs années durant. Pendant cette période, les Templiers furent déconcertés de ne pas voir venir leur grand maître qui s'obstinait à rester en Occident. Guillaume de Beaujeu participa au concile de Lyon du 7 mai au 17 juillet 1274. Il fit aussi le tour des provinces d'Occident, mais – cerise sur le gâteau – il ira jusqu'à rappeler auprès de lui des dignitaires basés en Terre Sainte pour venir le seconder en Occident – comme le templier Simon de la Tour, l'ancien commandeur de la Terre du royaume de Jérusalem qui deviendra maître des Pouilles. Faute d'un grand maître disponible, Gonfier de Salvaing nommera Robert de Torteville maître d'Angleterre comme nous l'apprend une lettre écrite le 3 octobre 1274. Finalement, Guillaume de Beaujeu ne se présentera en Terre Sainte dans le port de Saint-Jean d'Acre que le 15 septembre 1275 – soit de plus de deux ans après avoir été élu grand maître.

auparavant :

ensuite :

 

Nom : Arnaud de Castelnou

date :  1277. Arnaldo de Castronovo, magno praeceptore, souscrit  l'accord conclu à la sommellerie du temple, près d'Acre, le 1 juillet 1277, entre Jean de Monfort, seigneur de Tyr, et la République de Venise.

auparavant : Maître en Aragon

ensuite :

 

Nom : Thibaud Gaudin

dates : 1279-1291 Le commandeur de la terre du royaume de Jérusalem, Thibaud Gaudin, était présent lors du siège de Saint-Jean d'Acre en avril et mai 1291. Le 18 mai 1291, la Tour Maudite vient de céder et les Sarrasins pénètrent dans la cité. Le secrétaire et écuyer du grand maître des Templiers rapatrie le corps dans la citadelle des Templiers de Guillaume de Beaujeu, qui vient d'être blessé mortellement devant la Tour Maudite. Celui que l'on appellera improprement le Templier de Tyr nous laissera un récit circonstancié des événements auxquels il a personnellement participé. Agé d'environ 37 ans à l'époque des faits, il fut aux côtés du grand maître jusqu'à sa mort et va ensuit suivre Thibaud Gaudin pour le reste des événements . La ville étant définitivement perdue, le trésor des Templiers devait être évacué sur le champ. C'est au frère commandeur de la terre Thibaud Gaudin que fut confié cette tâche. Prenant plusieurs hommes avec lui, dont le fameux secrétaire du grand maître, Thibaud Gaudin évacue le trésor des Templiers par les souterrains - qui, de la citadelle des Templiers, passent sous le quartier des Pisans et débouchent directement dans le port.

 

tunnel des Templiers à Saint-Jean d'Acre, source photo:https://www.flickr.com/photos/marqueton/4524961127/in/album-72157623715546649/

 

C'est au bout du souterrain que les attendait un navire vénitien spécialement affrété pour l'occasion. On transporta le trésor sur ce navire, qui fut chargé d'amener le précieux chargement jusqu'à la forteresse templière de Sidon.

 

Vue aérienne du château templier de Sidon; source photo:http://www.arqhys.com/articulos/ciudad-sidon.html

 

C'est dans cette forteresse que fut pendant un temps entreposé le trésor des Templiers.

 

Vue intérieure du château templier de Sidon; source photo:http://www.tripadvisor.fr/LocationPhotoDirectLink-g294005-i87429945-Beirut.html

 

C'est aussi là, au milieu de ses frères, que le commandeur de la terre Thibaud Gaudin fut élu grand maître des Templiers suite à la mort de Guillaume de Beaujeu. Après presque deux mois de siège, les Templiers vont abandonner la forteresse de Sidon le 14 juillet 1291 pour se replier sur l'île de Chypre. Ils vont aussi évacuer Tortose le 3 août 1291 et Château-Pèlerin le 14 août 1291.

auparavant :

ensuite : Grand Maître de 1291 à 1292

 

Nom : Berenger de Saint-Just

dates : 1292-1297. Frère Berenguer de Saint Just, comander de la terre, mentionné comme témoin dans une lettre écrite à Nicosie le 20 avril 1292, par le grand maître Jacques de Molay et adressé à Beranger de Cardona, Maître d'Aragon.

auparavant : Maître d'Aragon

ensuite : Précepteur de Miravet

 

Nom : Florent de Villa

dates : 1299. Frère Florentino de Velu, preceptori sacre milicie domus templi, mentionné dans une lettre écrite le 24 juin 1299, par James II d'Aragon. Dans cette lettre, James II d'Aragon demande à Frère Florentino de Velu de rendre une certaine quantité d'or et d'argent à un marchand de Pise, qui avait déposé ses fonds chez les templiers à Atlit. L'or et  l'argent que les templiers détenaient à Atlit, avait probablement été transféré à Chypre.

Vestiges de la forteresse templière d'Atlit, appelée aussi Château Pèlerin, Terre Sainte; photo: אסף.צ,  Wikipedia CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

 

auparavant : compagnon du Maître

ensuite :

 

Nom : Pierre de Vares

date : 1300. Frère Petro de Vares, Preceptori domus milicie templi, souscrit un acte passé à Famagouste le 25 février 1300, concernant le Génois Pierre Rubeus.

auparavant :

ensuite :

 

Nom : Raimbaud de Caron

dates : 1302-1308. Riambau de Caro2 qui es comanador de la terra est mentionné dans une lettre de Pierre de Castillon adressée à Pierre de Saint-Just début janvier 1305.

auparavant : compagnon du Maître

ensuite:  Raimbaud de Caron est arrêté à Paris le vendredi 13 octobre 1307 par les officiers du roi de France avec 137 autres templiers - dont le grand maître Jacques de Molay et les dignitaires Hugues de Pairaud , Geoffoy de Charney et Geoffroy de Gonneville. Le dernier commandeur de la terre du Royaume de Jérusalem meurt pendant le procès suite aux tortures infligées par les inquisiteurs.

 

 


 

NOTES

1. Plusieurs historiens font d'Etienne de Hautetour, mentionné en 1249, et d'Etienne d'Otricourt, mentionné en 1250, le seul et même Templier. L'inconvénient de ce rapprochement est qu'il faudrait admettre que les Chroniques se soient trompées et que frère Gille n'ait pas été commandeur de la Terre pendant la bataille de la Mansourah. Cela est très possible car les chroniqueurs des croisades ne sont pas toujours au fait des grades de chaque Templier. une autre possibilité serait qu'Etienne de Hautetour et Etienne d'Otricourt soient deux chevaliers distincts. c'est cette dernière option que nous avons privilégiée.

 

2. Le Templier provençal Raimbaud de Caron est appelé Raimbaud II de Caromb. Plusieurs historiens font de Raimbaud de Caron le parent du chevalier provençal Raimbaud Ier de Caromb, qui fut maître de Hongrie en 1239 puis visiteur cismarin de 1240 à 1246 et enfin maître en Provence de 1251 à 1263. Raimbaud de Caron, ou Raimbaud II de Caromb, avait été reçu en 1265 comme frère du Temple dans la commanderie de Richerenches par le maître de Provence Roncelin de Fos, l'auteur présumé des statuts secrets de l'ordre des Templiers. De plus, les seigneurs de Caromb étaient les vassaux de la très puissante maison seigneuriale des Baux, qui en Provence dirigeait la confrérie des Rois Mages. Le chevalier provençal Raimbaud II de Caromb, commandeur de la terre du royaume de Jérusalem, a tous les critères d'un frère consolé, membre de la mystérieuse confrérie des Rois Mages. On remarque que le blason de la cité de Caromb porte trois dés de pierres d'argent, symbole de trois pierres taillées.

La cité de Caromb était située à proximité d'une ancienne carrière de pierres - Caromb, ou Caron, signifiant en provençal "grosse pierre", probablement en référence à la carrière. En admirant le blason de la cité de Caromb, on peut se rappeler le sermon du chancelier de l'église de Paris Pierre Le Mangeur (1164-1169) à propos du psaume CXXII 3 (121) "Jérusalem, bâtie comme une ville où tout ensemble fait corps." Ce sermon sied comme un gant au Templier Raimbaud II de Caromb, commandeur de la terre du royaume de Jérusalem.

" Dans l'édification d'une cité, trois éléments concourent. D'abord on extrait avec violence des pierres de la carrière, avec des marteaux et des barres de fer, avec beaucoup de travail et de sueur des hommes; ensuite avec le burin, la bipenne et la règle elles sont polies, égalisées, taillées à équerre; et troisièmement elles sont mises à leur place par la main de l'artiste. De la même façon, dans l'édification de la Jérusalem Céleste il faut distinguer trois phases: la séparation, le nettoyage et la "position". La séparation est violente, le nettoyage purgatoire, la positon éternelle. Dans la première phase, l'homme est dans l'angoisse et l'affliction; dans la seconde, dans la patience et l'attente; dans la troisième, dans la gloire et l'exultation. Dans la première phase l'homme est criblé comme du grain, dans la seconde il est examiné comme l'argent; dans la troisième il est placé dans le trésor…" (cité par Jacques Le Goff dans La Naissance du Purgatoire, éditons Gallimard, 1981, p. 210)

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